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Toulouse-Lautrec en rit encore

Toulouse-Lautrec en rit encore

Titel: Toulouse-Lautrec en rit encore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Alaux
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que personne ne connaissait la réponse.
    — Je crois savoir… dit Théo.
    Les regards convergèrent vers le jeune homme dont les pommettes rosirent quelque peu :
    — L’ivresse ! Il paraît qu’il existe plus de deux cents expressions pour signifier être saoul !
    Cécile éclata de rire.
    Théo s’esclaffa à son tour.
    — Comme toujours, vous avez réponse à tout, Théo ! Je crois, hélas, que vous avez raison. Mais non, le terme que nous recherchons ne compte, à ma connaissance, qu’une trentaine de synonymes. Je vous donne un indice : il s’agit d’un lieu que, j’espère, vu votre jeune âge, vous ne fréquentez pas.
    — Ah, je sais ! insista Théo.
    — Je vous écoute.
    — Euh… Un bordel ?
    — Exact !
    — Et pourquoi en serais-je interdit ? persista Théo en entaillant son visage d’un sourire coquin.
    Décidément, ce dîner se répandait en vins délicats, mets succulents et bons mots.
    Chacun, autour de la table, avança quelques noms désignant les fameuses maisons de tolérance. Pour lettrés qu’ils fussent, les convives se révélèrent vite à sec de vocabulaire. Une fois cités les classiques du type : boxon, lupanar, claque, hôtel borgne, hôtel de passe, foutoir, boîte à parties et autre bazar, Hélène Cantarel fit, en ménageant ses effets de langage, la culture de ses amis.
    — Il est une expression que j’aime par-dessus tout : l’abbaye des s’offre-à-vous, n’est-ce pas charmant ? Mais on désignait aussi les bordels au XIX e  siècle sous le nom de bobinard, bocard, boîte à vérole, bordeau, mais encore clandé, maison d’abattage ou de société, c’est très chic, vous ne trouvez pas ?
    — Ne disait-on pas un poulailler ? avança Jean Dorléac, l’œil coquin.
    — Je reconnais bien là l’amateur de cocottes ! plaisanta Hélène en prenant Jeanine à témoin.
    — Allez, papa, cherche un peu dans tes souvenirs de garçon débauché ! scanda Cécile que ce jeu amusait follement.
    — Volière ? dit Dorléac.
    — Exact, mais à cette liste, on peut rajouter : pouf, taule, et la liste n’est peut-être pas exhaustive. Avez-vous entendu parler, messieurs, du Guide Paggiole  ? C’était un annuaire recensant toutes les adresses des maisons de tolérance de France, d’Algérie, de Tunisie, de Belgique, d’Italie et d’Espagne. Il était vendu alors au prix de 5 francs et 50 centimes.
    — À quelle époque, chérie ? demanda Séraphin.
    — En 1892, si je ne m’abuse. Il a été très vite retiré de la vente, mais il fut aussitôt remplacé par le Guide Gervais …
    — Son auteur, je parie, était petit, lubrique et suisse ! renchérit Théo, hilare.
    — Décidément, quand je vous dis que vous avez réponse à tout, mon Théo !
    Cécile pouffa et se fit plus complice encore du garçon de son âge.
    — Quand le Guide Gervais fut interdit à son tour, il y eut le Guide Rose que l’on se passa alors sous le manteau…
    — Vous êtes incollable sur le sujet, Hélène ! dit Dorléac.
    Mme Cantarel distillait en effet sa science avec un réel talent de conteuse, oubliant son ancien statut d’universitaire pour n’être, l’espace d’un soir, que la confidente de ces filles un peu paumées qui louaient, encore avant-guerre, leurs charmes sur des coins de banquette à la lumière blafarde d’un lustre en opaline orangée.
    — Attention, les maîtresses de maisons closes ne devaient recevoir ni mineur ni élève en uniforme ! N’empêche que, pendant les vacances scolaires, les bordels grouillaient d’adolescents fraîchement montés en graine qui venaient chercher en ces lieux un dépucelage à bon compte.
    Sortant de sa réserve, Séraphin crut bon d’ajouter :
    — Tu oublies de dire, ma chérie, que dans la France du XIX e  siècle, les maisons closes faisaient partie du paysage, à la ville comme à la campagne. Tiens, chez moi, à Cahors, il existait deux maisons très réputées ! Elles ne suscitaient aucune hostilité de la part de la population…
    — Ne me dis pas, Séraphin, que tu as découvert les plaisirs de la chair dans un boxon de ta province ?
    — Je te rassure sur ce point. En revanche, j’avais un oncle qui ne s’en cachait pas et a dilapidé toute sa fortune avec une certaine Mitsa qui le poursuivait de ses assiduités hautement monnayées.
    — Il devait y avoir à Albi le même type d’établissement. Je me suis laissé dire que dans l’arrière-café de chez

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