Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Toulouse-Lautrec en rit encore

Toulouse-Lautrec en rit encore

Titel: Toulouse-Lautrec en rit encore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Alaux
Vom Netzwerk:
écouté Théo sans ciller. Le jeune homme avait étudié l’œuvre de Toulouse-Lautrec avec une sensibilité qui suscita le respect des deux conservateurs. Quant à Cécile, elle vouait désormais à Théo une estime qui n’avait d’égal que le sentiment amoureux qu’elle sentait monter en elle.
    À l’heure du dessert, Jeanine présenta un craquelin de coings confits à l’anis étoilé. Le conservateur albigeois renonça à ouvrir le château-angélus qu’il se promettait de faire goûter à ses hôtes. Un saint-émilion sur le dessert relevait de la faute de goût. Un gaillac doux couronna donc ce repas où l’humour disputa à l’érudition les honneurs de la table.
    Comme à son habitude, Jeanine s’était surpassée aux fourneaux, le choix des vins était parfait, la soirée merveilleusement réussie.
     
    Quand le couple Cantarel et Trélissac regagnèrent leur hôtel, Séraphin brocarda son assistant :
    — Je crois que vous lui avez tapé dans l’œil, à la petite Cécile !
    — Si vous le dites…
    — En tout cas, j’ai trouvé sa réflexion très pertinente.
    — Laquelle ?
    — Après votre exposé, brillant au demeurant, sur Lautrec dans les lupanars de la capitale, quand elle nous a fait remarquer qu’il était étonnant, pour ne pas dire singulier, que les voleurs se soient emparés exclusivement d’œuvres mineures et personnelles du peintre alors qu’il était tout aussi facile de voler les dessins et toiles qui ont fait la réputation « bordélique » de Lautrec. La thèse d’une éventuelle précipitation, laissant supposer que les toiles auraient été choisies au hasard, ne tient pas, puisque la complicité d’un tiers est quasiment avérée.
    — Reste le cas du tableau représentant Gabriel Tapié de Céleyran, objecta Théo.
    — Précisément, il s’agit d’un personnage qui touchait de très près la vie de Toulouse-Lautrec, rétorqua Séraphin. N’oubliez pas, Théo, que le Tapir était le cousin germain de Lautrec. À Paris, c’est l’un de ses plus proches compagnons. Sa silhouette grande et un peu voûtée, son nez proéminent affublé de lorgnons et ses grands doigts bagués apparaissent dans nombre de lithographies. Les deux garçons s’apprécient, s’estiment, s’aiment certainement au nom des liens du sang, mais aussi d’une affection qui n’ose pas dire son nom, même si, paraît-il, Lautrec rudoyait gentiment son cousin.
    — Qui donc pourrait trouver un intérêt à avoir ces trois tableaux chez soi sinon… ? s’interrogea à haute voix Théo en shootant rageusement dans un emballage en carton qui attendait le passage, dès potron-minet, des éboueurs.
    — … Sinon un familier des Lautrec ! enchaîna Hélène, grisée par la fraîcheur de la nuit et une pleine lune qui se répandait en éclats d’argent dans les eaux du Tarn.
     
    Il était une heure du matin et Albi offrait le spectacle des villes de province la nuit. Désespérément désertes, jamais sinistres. Avec toujours un chat ou un chien errant pour se glisser entre vos jambes et vous rappeler qu’eux aussi réclament leur petite part d’affection quand tout paraît endormi.
    1 - Vin doux. ( N.d.A. )

    2 - Miellé. ( N.d.A. )

11
    En prenant son petit déjeuner au Pontié , Séraphin Cantarel avait griffonné quelques lignes destinées à éclairer la rue de Valois sur la disparition des œuvres de Lautrec. Le secrétaire d’État en personne suivait le dossier avec une attention toute particulière, au point de fustiger son homologue de la place Beauvau afin que la police mette les bouchées doubles pour appréhender les trafiquants d’art.
    La note devait être faxée le matin même auprès du directeur de cabinet de Michel Guy.
    — Puis-je abuser des talents de secrétaire de Mlle Combarieu pour qu’elle me tape cette note ? demanda Séraphin à Dorléac dès son arrivée au palais de la Berbie.
    — Je vous en prie. Denise se fera un plaisir de se mettre à votre service…
    Quand Cantarel pénétra dans le bureau de la corvéable collaboratrice de Dorléac, celle-ci précipita aussitôt le flacon écarlate qu’elle tenait au bout de ses doigts dans le tiroir métallique cachant ses genoux anguleux. Une odeur de vernis à ongles irrita les narines de Séraphin.
    — Auriez-vous l’extrême gentillesse, Denise, de me dactylographier cette note ?
    — Très certainement, acquiesça la vieille fille qui glissa aussitôt une feuille blanche dans le

Weitere Kostenlose Bücher