Toulouse-Lautrec en rit encore
rouleau de sa machine.
— Si le musée dispose d’un système d’alarme par trop défaillant, je vois en revanche que vous êtes bien équipée en matériel de bureau. N’est-ce pas le dernier modèle en matière de machine à écrire électrique ?
— La vieille Remington sur laquelle je m’échinais à taper le courrier de M. le conservateur était déjà une relique récupérée à la mairie d’Albi. Elle devait dater de Mathusalem… Un vieux clou en somme !
— Je comprends, marmotta Cantarel.
Aussitôt, l’IBM à boule se mit à crépiter pendant que Mlle Combarieu, par-dessus ses lunettes en écaille, découvrait les termes de la note sans même regarder son clavier. Avant que Séraphin n’eût quitté la pièce, la secrétaire attira l’attention du conservateur parisien sur deux mots qu’elle ne parvenait pas à décrypter.
— Pardonnez-moi, Denise, je sais : j’écris à la façon des médecins…
— Rassurez-vous, avec M. Dorléac, je suis à la bonne école. Parfois, il est carrément illisible !
— L’écriture n’est-elle pas la science des ânes ? ajouta Séraphin.
— Jusqu’à un certain point, tout de même ! rectifia la secrétaire au chemisier cintré.
Au travers de la soie qui épousait son buste, on pouvait sans imagination deviner les contours de son soutien-gorge. Dans l’échancrure de son col brillait une médaille Vitafor du plus mauvais effet.
Avant de rejoindre Dorléac, Cantarel posa cette question saugrenue :
— Où avez-vous rangé l’ancienne ?
— L’ancienne quoi ?
— Machine à écrire, bien sûr !
Denise Combarieu fit mine de réfléchir :
— J’ai demandé à ce pauvre Labatut de m’en débarrasser. Peut-être est-elle dans les réserves du musée ?
— De toute façon, c’est sans grande importance… balbutia Séraphin en rejoignant son assistant qui faisait le pied de grue dans le bureau de Jean Dorléac.
— Vous faisiez un brin de cour à Mlle Combarieu, patron ?
— Cessez, Théo, de me prêter des intentions qui pourraient nuire à ma réputation de mari fidèle, riposta Cantarel du ton le plus sérieux qui soit.
— Je plaisante, monsieur… Mais ma grand-mère maternelle prétendait toujours que c’est dans les vieux pots que l’on fait les meilleures confitures…
— Dans le cas qui nous intéresse, je ne suis pas sûr que la bassine à confitures ait beaucoup servi.
— Là, je vous trouve peu charitable, patron !
— Il faudrait, Théo, que vous m’apportiez les preuves du contraire.
— Ce n’est pas parce que l’on est encore vieille fille à cinquante ans que l’on n’a jamais goûté à l’orgasme ! répliqua Trélissac en se faisant tout à coup l’avocat de la demoiselle au chignon trilobé.
— Arrêtez, Théo, je sens que vous glissez sur une pente graveleuse… Allez plutôt dans les réserves du musée voir si vous trouvez la trace d’une vieille machine à écrire de type Remington ou Japy.
— Objet non identifié jusqu’à ce jour ! se contenta de répliquer Théodore.
— Je vous trouve bien sûr de vous, jeune homme !
— Je ne vous savais pas mécascriptophile, monsieur Cantarel.
— Méca… quoi ? s’époumona Séraphin.
— Mécascriptophile ! Autrement dit : collectionneur de machines à écrire ! Vous pensez bien, patron, que si j’avais dégoté une vieille machine à écrire dans ce foutu musée, je me serais empressé de comparer les caractères avec ceux de la lettre d’intimidation qu’avait reçue Dupuy.
— C’est tout de même curieux que cette machine ait disparu, conclut Cantarel au moment où Mlle Combarieu frappa à la porte.
— Voici le document que vous m’avez demandé, annonça la secrétaire, fière de sa diligence.
D’un geste las, le conservateur de Chaillot le parapha avant de le remettre à la dévouée secrétaire de Dorléac.
— Faxez-le sans délai, je vous prie, au secrétariat d’État à la Culture. Le numéro est sur mon brouillon…
— Bien, monsieur le conservateur…
Denise tournait les talons quand Séraphin l’interpella à nouveau :
— Mademoiselle Combarieu ! M. Trélissac vient de m’informer que le « vieux clou », comme vous dites si bien, n’a pas été remisé dans les réserves. Vous n’auriez aucune idée de l’endroit où peut bien se trouver cette satanée machine ?
Mlle Denise porta son pouce et son index droits à sa médaille Vitafor, la
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