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Toulouse-Lautrec en rit encore

Toulouse-Lautrec en rit encore

Titel: Toulouse-Lautrec en rit encore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Alaux
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cinquantaine bien sonnée qui ne désespéraient pas d’inscrire ce beau garçon, un rien ténébreux et au torse si bien sculpté, à leur tableau de chasse.
    Ancien de la Mondaine, le commissaire Coustot s’amusait du caractère cocasse de la situation même si, en réalité, elle consistait à rechercher une aiguille dans une botte de foin.
    Théo évoluait de banquette en banquette, sympathisant avec l’un, avec l’autre, s’enivrant un peu plus à chaque verre offert.
    Finalement, ce jeu n’était pas pour lui déplaire. Une fois que son charme avait opéré, qu’il avait confié à son « ami d’un soir » combien il ne se pardonnait pas d’avoir rompu avec Paulo, Théo passait sans scrupules à un autre de ses prétendants.
    Les indices étaient maigres. Les nuits toulousaines de Paul Dupuy n’étaient peut-être pas aussi folles que le laissait supposer sa garde-robe. Fréquentait-il davantage le cabaret des Berges de Garonne , installé sur une péniche désaffectée, théâtre de numéros de transformistes souvent grotesques qui avaient lieu chaque samedi ?
    Coustot n’était plus vraiment sûr de son coup. Et dire qu’il avait embarqué le jeune Trélissac dans cette affaire sans l’assentiment de Cantarel ! Demain, il ne manquerait pas d’essuyer quelques quolibets de la part du conservateur et de son épouse, sans parler de son adjoint.
    Depuis plus d’un quart d’heure, Théo conversait avec un homme à lunettes dont le front était barré par une large mèche rousse que l’inconnu s’appliquait à relever d’un geste machinal, mais non dépourvu de préciosité.
    Élégant, habillé d’une chemise blanche à col cassé, il fumait des cigarettes blondes en prenant soin, après chaque bouffée, de laisser échapper la fumée par le nez comme les vrais accros à la nicotine. Son visage frôlait parfois celui de Théo comme s’il voulait lui arracher un baiser, une caresse. L’adjoint de Cantarel riait de toutes ses dents avant de se renfrogner aussitôt. Était-il pompette ?
    Puis Trélissac posa la main sur l’avant-bras de l’homme qui lui souriait en même temps qu’il lui parlait en forçant un peu la voix tant la musique était forte. L’individu prit soudain un air grave, parla avec ses mains, avant de se frotter contre l’épaule de Théo.
    Une nouvelle fois, les deux hommes trinquèrent, se regardèrent dans les yeux avant d’échanger quelques supposées confidences.
    À présent, le commissaire était affalé sur une banquette et sirotait son troisième whisky-Coca. Plutôt mal à l’aise dans ce décor exclusivement masculin, il essayait de se donner une contenance en ne lâchant pas des yeux son leurre.
    Un garçon à la voix perchée s’approcha de lui et lui souffla à l’oreille :
    — Je serais à ta place, je me méfierais. Ton petit mec est en train de te filer entre les pattes. Il est dans les griffes d’un escroc et il va le croquer sous tes yeux… Moi, je le ramènerais à la maison et lui donnerais une bonne fessée. Enfin, je dis ça pour ton bien, mon chéri !…
    Jusqu’alors Coustot ne s’était jamais fait traiter de la sorte. Il remercia l’escogriffe du conseil et se contenta de sucer le glaçon au vague goût de whisky qui tintinnabulait au fond de son verre.
    Le manège entre Théo et le prétendu escroc s’éternisait. Le petit Trélissac allait trop loin au goût du policier. Il s’alarma un peu quand les deux hommes s’éclipsèrent à l’étage inférieur où l’éclairage était davantage tamisé, favorisant les échanges plus intimes.
    Fort heureusement, Coustot eut droit à un clin d’œil appuyé de la part de Théo, confirmant qu’il gardait toute sa lucidité.
    Pour la première fois de sa vie, l’enquêteur éprouva un étrange sentiment de jalousie à l’égard d’un garçon dont il était censé, aux yeux de la clientèle de La Cochinchine , être l’amant.
    Une heure plus tard, Théo réapparut. Seul.
    L’homme à la mèche rousse avait déserté les lieux, convaincu que le jeune Trélissac le rejoindrait au petit matin dans sa villa de Tournefeuille, au 15 de la rue Carlos-Gardel.
    — Quittons cette boîte, monsieur Coustot ! J’en ai marre de me faire peloter les fesses !
    — Vous êtes méritant, Théo ! Alors ?
    — J’ai envie de marcher, commissaire, de me barrer de ce sauna ! Non, plus exactement, vous savez ce dont j’ai envie ?
    — Demandez, Théo.
    — D’un grand bol de lait

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