Toute l’histoire du monde
de ce livre, son grand-père Théodule-Ladislas-Albert Barreau y ayant assisté à l’âge de vingt ans.)
Voilà pourquoi cette époque, malgré la misère ouvrière, est légitimement qualifiée de belle, car on y croyait au progrès : « L’humanité se lève, elle chancelle encore mais, le front baigné d’ombre, elle va vers l’Aurore. » Or le bonheur procède de l’espérance, beaucoup plus que de l’argent. Notre temps est infiniment plus riche, matériellement, mais les jeunes gens, davantage gâtés, y ont moins d’espoir !
Ce fut d’ailleurs une période de paix. La guerre de 70 avait été courte et celle de Sécession, lointaine. Quant aux expéditions coloniales, elles exaltaient Psichari, et leurs ombres (répressions, massacres) étaient ignorées. Encore une fois, on jugeait la guerre « dépassée ». En 1911, Norman Angell, essayiste anglais, pouvait écrire : « La guerre entre la Grande-Bretagne et l’Allemagne est impossible car, si elle survient, les Bourses de Londres et de Berlin seront ruinées… » Des menaces pesaient cependant sur le siècle.
Le grand empire d’Autriche tombait en ruine. En 1867, François-Joseph était obligé d’accorder une large autonomie à la Hongrie. On parla désormais
d’« Autriche-Hongrie ». Mais les Tchèques et les Croates s’agitaient. Malgré cela, les Habsbourg occupèrent en 1878 la Bosnie, arrachée à l’empire ottoman et largement peuplée de Serbes (qui rêvaient du rattachement à la petite Serbie indépendante), et l’annexèrent en 1908. Les revendications des Slaves du Sud devinrent de plus en plus violentes, prenant un caractère terroriste.
Les îles Britanniques elles-mêmes étaient déchirées par le patriotisme irlandais. En Irlande, le Sinn Fein (« Nous seuls ») d’Arthur Griffith réclamait le Home Rule – que Westminster refusa, malgré le Premier ministre Gladstone, en 1886 et 1892. Ce blocage aboutira à un soulèvement sanglant contre les Anglais à Pâques 1916 (en pleine guerre).
Mais la plus grande menace venait de l’expansion allemande.
Unifiée et industrialisée, l’Allemagne, avec ses 67 millions d’habitants, était devenue la première puissance économique d’Europe. Elle cherchait sa place au soleil. En 1890, le Kaiser renvoya Bismarck. Celui-ci se retira en Poméranie, critiquant avec amertume l’empereur, et mourut en 1898.
Guillaume II, petit-fils de Guillaume I er (il régnait depuis 1888), ne valait pas son grand-père. Malgré une industrie formidable, l’Allemagne n’avait eu que des miettes du festin colonial. L’Alsace-Lorraine lui avait aliéné les Français, et Guillaume entra en conflit avec le tsar, son allié traditionnel. En contrepartie, l’Allemagne exerçait une sorte de protectorat sur l’Autriche-Hongrie et la Turquie ; mais il s’agissait d’empires branlants.
Son armée, la plus puissante du monde, était si forte que Guillaume II, peu intelligent, se sentait invincible.
Pour se débarrasser à jamais de la France, le grand état-major allemand avait conçu un plan, le plan Schließen, qui prévoyait de prendre l’armée française à revers en violant la neutralité de la Belgique.
Imparable stratégiquement, ce plan – repris, par Moltke, qui succéda à Schlieffen en 1906 – était politiquement inepte, tant il était évident que la Grande-Bretagne, qui avait créé la Belgique pour sauvegarder Anvers, n’accepterait jamais l’occupation de ce pays par une armée continentale. Telle avait d’ailleurs été la raison principale de son opposition acharnée à Napoléon. Et l’Allemagne, malgré de récentes constructions navales, n’avait pas les moyens d’affronter la flotte de haute mer anglaise. De plus, Guillaume II, chambré par Moltke, était persuadé que le Reich écraserait la France en quelques semaines, comme en 1870.
Or, la France avait changé depuis le Second Empire. Dotée d’une armée de conscription, elle compensait par la durée du service militaire (trois ans) l’infériorité de sa population (39 millions). Par suite de son malthusianisme démographique, la France, pays le plus peuplé d’Europe en 1815, était devenue la puissance la moins peuplée, dépassée par l’Allemagne, la Russie, et l’Angleterre. Mais c’était aussi la France des instituteurs patriotes qui espérait, avec la « Revanche », récupérer l’Alsace-Lorraine.
Guillaume II et Moltke furent confortés dans leur idée de « guerre
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