Toute l’histoire du monde
communautés israélites. On en rencontrait aussi sur le plateau iranien, et jusqu’en Chine et en Afrique orientale – d’où le premier royaume noir venait de sortir de la préhistoire, sur les montagnes du Tigré, en Éthiopie.
Mais le judaïsme avait ses contradictions.
Yahvé restait encore un peu une divinité nationale : Dieu a choisi un seul peuple. Les dix commandements sont une morale universelle, mais la Loi n’est faite que pour les juifs. Surtout, on confondait en Israël les rituels – rituels de purification, rituels alimentaires ( casherout) avec le fond des choses.
Jésus de Nazareth fut l’un de ces rabbins qui essayèrent de lutter contre le ritualisme. Né au temps du roi Hérode (un roitelet soumis aux Romains) en -6 ou – 7, il prêchait dans les années 20 de notre ère en Palestine. Il aimait le lac de Tibériade, étendue bleue qu’entourent des montagnes fauves, et ses disciples appartenaient aux classes simples : artisans, patrons pêcheurs (un percepteur tout de même). Il parlait trois langues : l’hébreu, la langue liturgique de la synagogue ; l’araméen, la langue populaire dans laquelle il prêchait ; et le grec, la langue impériale.
Pieux, « pratiquant », il ne voulait cependant pas se laisser enfermer par le ritualisme. « Lequel d’entre vous, si son âne tombe dans un puits le jour du Sabbat, ne va pas l’en repêcher ? » À une non-juive qui lui disait : « Vous prétendez qu’il faut prier Dieu à Jérusalem, mais nous le prions sur le mont Garizim », il répondit : « Dieu est Esprit, on peut le prier n’importe où » – ce qui ne plaisait guère aux prêtres du Temple.
Les interdits alimentaires de la casherout lui semblaient particulièrement ineptes : « Ce qui souille l’homme, ce n’est pas ce qu’il mange. Ce qu’il mange descend dans son ventre, puis va aux lieux d’aisance. Ce qui souille l’homme, c’est la haine qui sort de son cœur. » Il enseignait qu’on peut manger n’importe quoi, en particulier du porc (Matthieu XV, 16).
Il soulageait ainsi l’homme d’un poids très lourd. Comme d’autres prophètes avant lui, il croyait que « la vraie religion est celle du cœur ». Il stigmatisait les cléricaux : « Ils lient de pesants fardeaux sur les épaules des hommes, sans les bouger eux-mêmes du bout des doigts » (Matthieu XXIII, 4).
Il refusait de jeter la pierre (lapidation) aux femmes adultères, criant même à tous les hypocrites : « Les prostituées vous précéderont dans le Royaume des deux. » Pour lui, le seul vrai péché était le mépris.
Ces transgressions irritèrent les prêtres du Temple de Jérusalem, qui le firent mettre à mort par les Romains (la Croix). Israël, n’étant plus indépendant, n’avait plus en effet le droit de vie et de mort. Mais ce destin est semblable à celui du philosophe Socrate, qui fut lui aussi exécuté par les chefs de son peuple – et personne ne songe à imputer aux Grecs la mort de Socrate ! Jésus fut donc crucifié le 7 avril 30.
Jésus est le résumé et le paroxysme du judaïsme, comme Socrate est le résumé et le paroxysme de l’hellénisme. Ni l’un ni l’autre n’ont jamais quitté leur pays ; ils accédèrent à l’universel par l’approfondissement.
Peut-être n’y a-t-il pas, dans l’histoire, d’homme de religion plus séduisant que le Christ. Bouddha n’est qu’un moine, Socrate un philosophe, Marc Aurèle un bon dirigeant, Confucius un sage conformiste. Seul Jésus de Nazareth a pu dire :
« Heureux ceux qui ont une âme de pauvre… Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés… Heureux ceux qui pardonnent, on leur pardonnera… Heureux les purs, car ils posséderont la Terre » (Matthieu V, 3).
Dans l’histoire parfois sombre et tragique de l’humanité, les « Béatitudes » sont un rayon de lumière. Après la mort de Jésus, des juifs crurent en lui et affirmèrent qu’il était ressuscité. Mais Jésus resta un prophète juif. La « terre » dont il parlait était celle d’Israël, Eretz Israël ; son enseignement ne sortait pas du judaïsme. D’autres prophètes avaient été tués. D’autres rabbins avaient dit presque les mêmes paroles que Jésus à la même époque (Gamaliel). Les disciples de Jésus, surnommés « chrétiens » dans la ville d’Antioche à cause du Christ (Christ signifiant « béni, Messie »), étaient tous des juifs.
Ils
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