Toute l’histoire du monde
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Marc Aurèle, dont on a cité les admirables réflexions, fut aussi persécuteur de chrétiens. L’empereur Dèce, en l’an 250, fit délivrer des certificats d’apostasie ( libelli). Les apostats ( lapsi) furent nombreux.
Posons-nous la question : pourquoi donc Rome a-t-elle persécuté le christianisme ? Nous devons rappeler que les Romains (à l’exemple d’Alexandre le Grand) se voulaient très tolérants envers les religions. S’ils avaient détruit Jérusalem sous Titus et expulsé les juifs de Palestine sous Hadrien, ce n’était nullement pour des raisons religieuses, mais pour de pures raisons politiques : Israël s’était révolté contre Rome et voulait son indépendance.
Ce problème réglé par l’exil, les communautés juives de la diaspora ne furent pas inquiétées. Le plus beau monument de Rome, encore intact, est d’ailleurs un temple « à tous les dieux » : le Panthéon.
Le christianisme n’a donc pas été persécuté par Rome pour sa théologie. Il le fut à cause de ses idées subversives.
D’abord, la laïcité. Jésus ayant séparé la religion de la politique (Dieu de César), les chrétiens, tout en se voulant – à l’image de l’apôtre Paul – bons citoyens, refusaient de rendre un culte à l’empereur. Or ce culte au « divin César » était le fondement idéologique de l’Empire. C’est sur ce point que Trajan et Pline se consultèrent.
Ensuite, la place de la femme. Nous l’avons dit, Jésus a été le plus féministe des hommes de religion. Il a inventé – les prophètes précédents l’avaient, il est vrai, conseillé – l’égalité des hommes et des femmes. Même si les Églises chrétiennes sont redevenues misogynes, il en reste quelque chose. Il suffit de voyager dans des pays qui n’ont pas été marqués par le christianisme pour s’en rendre compte. Partout, la femme y est dominée et méprisée. Aux Indes, on brûlait les veuves. En Chine, les villageois tuent encore les nouveau-nés de sexe féminin. Toutes les religions traditionnelles enferment la femme. C’était le cas des Grecs, avec leur gynécée, et des Latins. Même si les filles de notables à Rome étaient éduquées et délurées, quand les chrétiens se réunissaient entre hommes et femmes pour l’eucharistie, les Romains y voyaient de la pornographie !
Enfin, la question de l’esclavage. Là, c’était particulièrement grave, car la société romaine tout entière reposait sur l’esclavage. Pourtant, les responsables chrétiens se montrèrent très prudents sur ce sujet. Déjà, ils pratiquaient la casuistique : en principe tous les hommes sont égaux, mais en pratique les esclaves doivent continuer à servir leurs maîtres (on trouve cela dans les épîtres de Paul). Mais le principe même d’une égalité universelle était impensable pour les Romains. Dire que les esclaves étaient des êtres humains comme leurs maîtres sapait les fondements de l’ordre social. La « Déclaration universelle des droits de l’homme », écrite beaucoup plus tard et par des incroyants, au nom de la Révolution française, n’aurait pas été possible hors d’un contexte chrétien. Pour les brahmanes du système des castes, encore aujourd’hui, les hommes ne sauraient être tous égaux. Les Romains pensaient ainsi.
Cependant, on sait depuis Tertullien que « le sang des martyrs est une semence de chrétiens ». Pour réussir, une persécution doit être un génocide ; sinon, elle aboutit au résultat inverse de celui recherché par le persécuteur.
Vers l’an 300, les chrétiens étaient devenus tellement nombreux, y compris chez les officiers des légions (voir l’histoire de saint Martin qui partage son manteau), que l’empereur Constantin, par l’édit de Milan (313) crut habile de promulguer une loi de tolérance et de faire semblant de s’être rallié lui-même à la nouvelle religion. En 320, Constantin fonda sur les bords du Bosphore la ville qui porta son nom jusqu’au xx c siècle, Constantinople, et y transféra la capitale.
Le premier empereur vraiment chrétien fut Théodose (379-395). Au cours d’un séjour à Milan, il se vit excommunier par Ambroise, l’évêque de la ville, pour avoir ordonné le massacre de 7 000 habitants de Thessalonique insurgée (390). Il se soumit et fit pénitence. Pour la première fois, l’État romain s’inclinait devant le christianisme, et la cruauté d’État devant le droit des
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