Toute l’histoire du monde
gens.
Théodose accomplit un autre acte de grande conséquence : en 395, il partagea l’Empire entre l’Orient et l’Occident, pour des motifs de décentralisation. Cette séparation ne sera jamais réparée. Aujourd’hui encore, la ligne de fracture subsiste précisément à Sarajevo, en Bosnie. Ar ouest, les gens sont latins et utilisent l’alphabet latin ; à l’est, ils sont orientaux et utilisent l’alphabet cyrillique. Sur cette frontière, où persiste une zone de fragilité, il y aura souvent des drames. (La guerre de Bosnie est le dernier, mais celle de 14-18 a éclaté justement à Sarajevo.)
Ainsi l’Empire a-t-il fini par devenir chrétien.
Ce faisant, il a peut-être perdu son âme, sa virtus. Le christianisme a probablement ramolli Rome.
Cependant, l’Empire a été le lieu de formidables mutations.
L’esprit grec était enfermé dans la cité, et l’esprit juif tournait en rond autour du Temple. Rome répandit l’un et l’autre sur le monde. L’Empire a été l’instrument d’une synthèse entre la civilisation grecque et le génie sémite, entre l’Athénien Socrate et le Nazaréen Jésus.
Et puis les idées romaines étaient usées. Le christianisme, plein de jeunesse et d’inventivité, allait assumer l’héritage du vieux monde. D’ailleurs, on se mit progressivement à compter les années à partir de Jésus-Christ, alors que les Romains les comptaient depuis la fondation de Rome. Certes, d’autres computs subsistèrent (en Chine, au Japon, chez les juifs) et d’autres seront inventés (le calendrier musulman), mais le décompte chrétien est aujourd’hui le calendrier universel.
Les temps barbares ou l’implosion
Depuis le début des temps historiques, le progrès de l’humanité avait été continuel. L’être humain n’avait pas changé, mais, avec Socrate, Jésus et les sciences chinoise et grecque, le monde avait « progressé » ; cette notion n’impliquant aucun jugement de valeur. Successivement étaient apparus l’alphabet, la géométrie, la philosophie, le droit romain, enfin la tendresse évangélique.
Or, en l’an 410 de notre ère, se produisit un événement incroyable.
Cette année-là, Rome fut prise par les Barbares.
La chute de Rome ouvrit une période terrifiante de l’histoire qui va durer six siècles.
Il faut comprendre que ce que nous appelons le Moyen Âge commence seulement vers l’an 1000. Les spécialistes donnent comme date repère celle du couronnement du roi de France, Hugues Capet, en 987. On dit souvent, pour évoquer une régression, que « l’on revient au Moyen Age ». C’est stupide ! Le Moyen Age, ce sont les cathédrales, la puissance et la gloire. On ferait mieux de se référer aux temps mérovingiens, où les rois fainéants régnaient sur des tribus éparses.
De fait, entre 410 et 987, si Ton regarde Paris, il n’y a pas grand chose. Rien entre les thermes de Cluny et les premières abbayes. Pendant six siècles, on n’y a plus construit de monument, d’école, de lieu de culte.
On pourrait croire que toute civilisation avait disparu jusqu’au x c siècle : affirmation à peine exagérée. L’Empire s’était bien écroulé.
Pas partout, néanmoins. Il subsistait dans les Balkans et en Anatolie, autour de Constantinople. On donne à cette survivance orientale de l’Empire le nom d’empire « byzantin », pour le différencier de l’Antiquité proprement dite. Mais les Byzantins, conscients de la continuité historique, se nommaient eux-mêmes les « Romains ». « Romain » fut aussi le nom de certains de leurs empereurs. Cet empire sera grand : il suffit d’évoquer Justinien (527-565), rassembleur de lois (le code Justinien) et bâtisseur de l’admirable coupole de la basilique Sainte-Sophie (l’architecte en fut Anthémios de Tralles) ; Romain Lécapène (920-944), ou le terrible Basile II le Bulgaroctone (« Tueur de Bulgares ») (958-1025).
L’empire byzantin durera jusqu’aux invasions turques du XV e siècle. Mais, en dehors du monde égéen, qu’il protégea, une vague de barbarie emporta tout. Même la Chine fut alors submergée par les nomades : les « seize royaumes des cinq Barbares ».
L’expression « Invasions barbares » suggère la ruée d’innombrables guerriers, « le couteau entre les dents ». Les Romains et les Chinois appelaient « Barbares » les gens vivant au-delà du limes ou de la Grande Muraille. En réalité, ils étaient peu
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