Toute l’histoire du monde
n’était qu’un mur d’octroi orné de belles portes : Saint-Denis, Saint-Martin. La paix française rendait inconcevable une attaque ennemie. Ce n’est qu’au siècle suivant que Paris retrouvera des fortifications.
C’est à son entourage qu’on reconnaît un dirigeant : les petits chefs ne supportent pas le talent des autres et choisissent des incapables ; les grands chefs savent que la gloire de leurs conseillers ne leur porte pas ombrage, mais rejaillit sur eux.
De ce point de vue, Louis XIV est bien Louis le Grand : Nec pluribus impar était sa devise – « À nul autre pareil ». C’est aujourd’hui la devise officielle des États-Unis (et le jugement officieux de la France à propos d’elle-même).
Autour du Roi-Soleil, on rencontrait l’architecte Mansart, le musicien Lully, le paysagiste Le Nôtre, et une pléiade d’hommes de lettres : Corneille, Racine, La Fontaine, Molière, Boileau, La Bruyère.
Il faut s’arrêter au cas de Molière. Jean-Baptiste Poquelin (1622-1673) avait renoncé au barreau pour les planches. Louis XIV le nomma « comédien ordinaire du roi », avec une pension et la création de la Comédie-Française. Surtout, il le laissa écrire et jouer des pièces séditieuses, aujourd’hui encore scandaleuses – songeons à Tartuffe , impitoyable satire des Talibans de tous les temps. À la fin de sa représentation, les bien-pensants vexés affichaient un silence glacial ; le roi battit très fort des mains, déclenchant les applaudissements des courtisans. On pouvait, devant Louis XIII ou Louis XIV, laisser dire à un personnage du Cid : « Pour grands que soient les rois, ils sont ce que nous sommes. Ils peuvent se tromper comme les autres hommes », et les rois d’applaudir.
Il faut souligner le génie de Racine et de Corneille qui, en quelques milliers de mots, en s’imposant des règles extrêmement strictes, disent tout sur tout, explorent avec une incroyable précision l’âme humaine, la découpant au scalpel comme jamais et condensant en quelques actes les passions de l’homme (l’amour, la haine, l’ambition, la gloire, l’avarice, l’hypocrisie, la peur). On approche là du génie des anciens Grecs : Racine, c’est Sophocle ; Molière, Aristophane !
La simplicité « classique » exprime la complexité des choses. Le dépouillement suggère le brillant, la légèreté révèle la profondeur. Ce génie classique, Boileau le résume : « Ce qui se conçoit bien, s’énonce clairement. » C’est le génie même de la France, la capacité d’accéder à la grandeur dans la mesure. Tout le style Louis XIV est là. « Hé bien ! connais donc Phèdre et toute sa fureur. J’aime », écrivait sobrement Racine.
Si l’on considère le gouvernement, la France en connut peu de plus éclatants. Nous avons cité Louvois à la Guerre. Mais on pense évidemment à Colbert, ministre des Finances, de l’Intérieur, de l’Économie. Le roi fit édifier de célèbres manufactures, dont certaines existent toujours, tels les Gobelins, ou ont donné naissance à de grandes entreprises capitalistes, tel Saint-Gobain. L’« État colbertiste » a vraiment existé. Il marque encore le style de gouvernement français – harmonieux mélange, quoi qu’on en dise, d’initiative privée et d’intervention publique.
Vauban fut le plus caractéristique de ces grands commis français. Vauban, on le sait, fit édifier en France d’innombrables forteresses de conception nouvelle, capables de résister au canon. On se souvient moins qu’il fut un grand fiscaliste. D’une certaine manière, on pourrait lui attribuer la création de l’INSEE, car il avait l’obsession des recensements.
Chaque grande nation européenne a marqué un siècle : le xv e siècle est italien ; le XVIe, espagnol. Les XVII e et XVI e siècles sont français. La langue française était universelle : à Austerlitz, tous les souverains, ennemis de la France, parlaient le français entre eux. Au XDC e et au XXe siècle, l’anglais s’imposera ; d’abord à cause de l’Angleterre, ensuite à cause de l’Amérique.
Le roi « très chrétien » était un bon vivant. Il eut d’innombrables maîtresses, dont trois ont marqué les étapes du règne. M lle de La Vallière fut la femme des débuts triomphants ; M me de Montespan, celle de la maturité glorieuse, et M me de Maintenon, la femme du soleil couchant. Cette dernière fonda la maison
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