Toute l’histoire du monde
reconnu l’indépendance du nord des Pays-Bas, conservant pour elle le sud. Voilà pourquoi les Flamands, qui parlent hollandais, sont catholiques. Dès 1648, Amsterdam enlevait à Venise la suprématie maritime.
Les Hollandais envoyèrent de nombreux colons au sud de l’Afrique, au Cap (ils y sont toujours, et les « Afrikaners » parlent encore le néerlandais). Ils firent la conquête du grand archipel d’Indonésie, qui restera à eux jusqu’en 1945. Ils fondèrent en Amérique, à l’embouchure de l’Hudson, la « Nouvelle-Amsterdam », qui deviendra New York quand les Anglais succéderont sur les mers à la Hollande.
On sous-estime toujours le rôle des Hollandais.
Sur le plan culturel, ce rôle fut capital. Amsterdam avait abrité Érasme, et Descartes y vécut. Spinoza (1632-1677) en a été la figure dominante. Excommunié par la Synagogue pour son rationalisme, il alla vivre à La Haye, où il écrivit l’Éthique tout en polissant des verres de lunettes. En même temps qu’une peinture flamande, il y eut une peinture hollandaise.
La guerre franco-hollandaise (1672-1678) se solda par un match nul. Les républiques bataves avaient confié leur défense à un prince allemand, également seigneur de la ville d’Orange en France (d’où son titre de Guillaume d’Orange), qui galvanisa leur résistance et sauva les Hollandais en ouvrant les digues (une partie du pays se trouve au-dessous du niveau des hautes mers). Après la paix de Nimègue (1678), Guillaume fut appelé en Angleterre, dont il devint roi (voilà pourquoi les protestants royalistes du nord de l’Irlande, en Ulster, se nomment aujourd’hui « orangistes »). L’orange est toujours la couleur hollandaise.
Partout ailleurs, Louis XIV fut victorieux. Il avait créé, avec son ministre de la Guerre Louvois, la meilleure armée d’Europe, et la plus nombreuse (400 000 hommes, davantage que n’en eut jamais l’empire romain). Parfois, les guerres furent rudes. Celle dite de « succession d’Espagne » faillit mal se terminer et Louis XIV fut obligé d’en appeler à la bonne volonté de ses sujets, par une lettre lue dans toutes les paroisses de France. Cet épisode est significatif. Il démontre que, malgré les apparences, le Roi-Soleil restait fidèle à la tradition capétienne et s’appuyait sur le peuple. La victoire fut française à Denain en 1712 et Louis réussit à installer un petit-fils sur le trône d’Espagne, mettant ainsi fin à une rivalité séculaire. Les Bourbons détiennent aujourd’hui encore la couronne espagnole : Juan Carlos descend de Louis XIV.
Malgré leur coût financier et humain, ces guerres, menées par une armée de métier, à la périphérie du royaume, furent davantage des actes de propriétaire désireux d’arrondir son champ que des aventures conquérantes. Louis XIV n’aurait pas eu l’idée saugrenue d’aller occuper Berlin ! De fait, il acheva presque de dessiner notre actuel hexagone en annexant au royaume l’Artois, les Flandres (Lille), l’Alsace, la Franche-Comté et le Roussillon.
À l’intérieur, sa seule erreur fut d’avoir aboli, en 1685, l’édit de Nantes. Beaucoup de Français protestants émigrèrent alors en Prusse ou en Afrique du Sud hollandaise. Ce fut une lourde perte pour le pays – mal compensée par l’arrivée de catholiques irlandais.
Pour le reste, sa politique fut efficace (l’édit de Nantes fut d’ailleurs remis en vigueur par ses successeurs). Louis XIV avait gardé de son enfance sous la Fronde une profonde méfiance envers la noblesse. Il faut comprendre que la construction de Versailles fut un acte hautement politique. Inauguré en 1682, Versailles n’était pas seulement le plus beau palais du monde, imité dans l’Europe entière ; c’était une machine à domestiquer les « grands » ; tous les « importants » étant quasi obligés d’habiter la ville nouvelle pour faire leur cour au roi. Il faut imaginer les nobles assemblés dans la galerie des Glaces et un garde criant : « Messieurs, le roi ! » Tous se courbaient…
Ce palais de glaces, sublime et fragile, nous montre aussi à quel point l’ordre intérieur régnait : ce château était, en effet, indéfendable en cas d’émeute – la Révolution le prouvera. L’ordre extérieur est attesté, lui, par le fait que le Paris de Louis XIV (qui restait la capitale) n’avait pas de murailles. Le « mur murant Paris [qui] rend Paris murmurant »
Weitere Kostenlose Bücher