Toute l’histoire du monde
d’éducation pour jeunes filles de Saint-Cyr. Mais ces maîtresses ne décidaient en rien des affaires publiques. Louis XIV montait à cheval et chassait le loup ou le cerf deux heures de suite ; le soir, il présidait les dîners entouré de jolies femmes, mais c’était d’abord un travailleur, acharné à faire son « métier de roi » (comme il disait), étudiant les dossiers à son bureau dix heures par jour.
Outre Versailles, il nous a laissé de magnifiques monuments. Toutes les villes de France lui doivent des bâtiments publics de belle allure. Paris, que l’on imagine à tort négligé parce que la cour était à Versailles, doit à Louis XIV trois grands hôpitaux, situés en ligne sur le boulevard sud : les Invalides (pour les vieux soldats blessés), le Val-de-Grâce et la Salpêtrière, avec les dômes de leurs chapelles.
Les Invalides, peut-être le plus beau monument de Paris, n’étaient qu’un hôpital. Mais ils disent davantage en faveur de Louis XIV que n’en dit Versailles. Quand on veut juger de la grandeur d’une civilisation, il ne faut pas regarder les demeures des riches, mais les hospices destinés aux pauvres !
Tous les souverains d’Europe, adversaires ou alliés, voulaient imiter le roi de France.
Près de Vienne, l’empereur de Habsbourg faisait construire son propre Versailles à Schönbrunn, en Russie, à l’autre bout de l’Europe, le tsar Pierre le Grand, délaissant Moscou l’orthodoxe, fit bâtir, tournée vers l’Occident, une nouvelle capitale de style classique, Pétersbourg, ce rêve d’Europe au fond de la Baltique. Il modernisa son pays avec violence (comparé au tsar Pierre, Louis XIV fut un doux). Sous le règne de Pierre le Grand (1672-1725), la Russie devint enfin une puissance du concert européen.
Quand Louis XIV mourut « vieux et rassasié de jours », l’ex-électeur de Brandebourg, devenu roi de Prusse en 1701, ouvrit à Berlin son Conseil des ministres en disant seulement, en français : « Le roi est mort. » Il n’eut pas besoin de préciser de quel roi il parlait.
Et le peuple français, dans tout cela ? Nous avons noté que c’est vers lui que Louis XIV s’était retourné pendant la guerre de Succession d’Espagne, et que le peuple avait répondu à son attente (contributions, volontaires, vaisselle, etc.).
Les protestants (qui reviendront nombreux dans le royaume quand la monarchie aura rétabli l’édit de Nantes) le détestaient, et beaucoup de nobles aussi (tel le duc de Saint-Simon). Mais les bourgeois l’aimaient. Quant aux 20 millions de paysans, ils n’ont pas été aussi malheureux, sous le règne solaire, qu’une certaine école historique contemporaine l’affirme. Ils bénéficièrent de la paix (à l’exception des régions du Nord-Est et de l’Est) et d’une bonne administration. Dans les derniers temps, cependant, la fiscalité – qui, de façon injuste, pesait essentiellement sur eux – devint écrasante. Guerres, bâtiments, diplomatie : tout cela coûtait cher. À la fin de ce long – un peu trop long – règne, les paysans n’en pouvaient plus. La mort du grand roi fut pour eux une délivrance, ainsi que pour les « imponants » maintenus depuis un demi-siècle sous sa main de fer.
Le siècle des Lumières
Une série de morts tragiques ayant élagué l’ordre de succession au trône (et assombri les dernières années de Louis XIV), la couronne échut en 1715 à un arrière-petit-fils – encore enfant – du défunt roi, et la régence à son neveu Philippe d’Orléans (de 1715 à 1723).
C’était comme un ressort qu’on décomprime. Les notables explosaient de joie. La Régence fut une fête, qu’illustre bien le film de Bertrand Tavernier, Que la fête commence.
Philippe d’Orléans aurait pu se contenter de laisser s’échapper la vapeur. Mais il commit une faute grave : il rompit la séculaire alliance des Capétiens et du peuple.
Louis XIV, son oncle, s’était bien gardé de gouverner avec les nobles, réduits à leur fonction militaire. Or, Philippe leur donna le pouvoir dont le Roi-Soleil les avait écartés. Il nomma des nobles dans des commissions dont l’avis était nécessaire sur toute chose : la « Polysynodie ».
Les bourgeois (classes moyennes), à qui les rois capétiens faisaient confiance, en furent mécontents (on touche là l’une des causes lointaines de la Révolution) et le gouvernement devint assez inefficace.
En fait, le XVNI c siècle a
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