Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz
n’avaient pas remarqué l’ambiance orageuse qui régnait dans le vestiaire ni l’agitation de la foule qui avait réussi entre-temps à s’entasser près de la porte du vestiaire. Presque tous s’étaient rhabillés et étaient maintenant résolus à quitter à tout prix ce bâtiment de la mort. Mais où aller ? Il n’y avait en réalité aucune possibilité de s’échapper. Les lieux étaient cernés par des sentinelles S.S. qui n’hésiteraient pas au moindre mouvement à faire usage de leurs armes sur les fugitifs.
Comme une masse, un millier de personnes se précipitaient maintenant vers la sortie tel un troupeau affolé, L’Oberscharführer Schillinger fut le premier à comprendre ce qui se passait. Il devint soudain pâle comme un mort, complètement désemparé devant cette nouvelle situation. À ses côtés, les S.S. paraissaient également déconcertés. Leur expérience quotidienne du comportement paisible des déportés les ayant habitués à les considérer comme d’innocentes victimes incapables de se rebeller, ils se trouvaient brusquement placés dans une situation qu’ils n’avaient pas prévue et à laquelle ils n’étaient pas préparés.
L’Obersturmführer Schwarzhuber, qui n’était qu’à quelques mètres de la sortie, fut le premier à réagir devant l’attitude menaçante de la foule. D’un bond, il s’élança dans le vestiaire par la lourde porte en chêne, réveillant d’un coup l’apathie des S.S., qui coururent tous derrière lui en formant un cordon. C’est alors que le S.S. Hössler, d’habitude si prudent, s’avança d’un air décidé face à la foule qui se pressait vers la sortie, et ordonna de reculer.
Sa voix étant couverte par le tumulte, il prit dans sa poche un sifflet à roulette, en donna quelques coups stridents qui laissèrent les déportés interdits. Comme la foule refluait lentement, Hössler, conscient du succès de sa tentative, s’efforça de nouveau de calmer les esprits : « Vous tous, écoutez-moi ! Dans votre intérêt, tenez-vous tranquilles ! » leur dit-il. Mais, comme ces paroles ne semblaient guère retenir l’attention, il donna de nouveaux coups de sifflet et commença à parler avec plus de ménagement : « Mesdames et messieurs ! » Mais il fut aussitôt interrompu par une femme à moitié nue qui surgit devant lui en criant d’une voix perçante : « Ils veulent nous asphyxier avec les gaz, je le sais. » Entendant ces mots, Hössler voulut en minimiser la portée en les tournant en ridicule : « Mais ça ne va pas, ma brave femme, essaya-t-il de plaisanter. De qui tenez-vous ces stupidités ? » « Je le sais parfaitement, commandant, ils veulent nous tuer avec les gaz, oui, nous assassiner ! » répondit-elle.
Se rendant compte que les affirmations de la femme commençaient à impressionner ceux qui doutaient encore, Hössler essaya de reprendre le contrôle de la situation et harangua une nouvelle fois la foule : « Mesdames et messieurs, pour l’amour de Dieu, que craignez-vous donc ici ? D’après le rapport du commandant local du ghetto, on était entièrement satisfait de vous. Vous avez toujours travaillé courageusement et montré que vous ne reculiez pas devant l’effort. Ici, les conditions de vie sont bien meilleures. Mais nous comptons sur votre obéissance et sur votre discipline. Déshabillez-vous donc tranquillement et préparez-vous à aller dans la salle des douches. Vous n’avez rien à craindre, je vous en donne ma parole d’honneur. Vous êtes des gens raisonnables, ne vous laissez pas impressionner par les propos d’une folle. Mais si vous vous refusez à exécuter nos ordres, votre attitude sera considérée comme un refus de travail de votre part, ce qui pourrait avoir de graves conséquences pour vous. Ici, on n’accepte pas la désobéissance. Nous sommes en guerre et chacun doit accomplir son devoir. » Ces dernières paroles avaient été prononcées d’une voix forte, pour dominer les aboiements des chiens qu’on venait d’amener dans le vestibule voisin. Soudain, la porte du vestiaire s’ouvrit et des sentinelles S.S. surgirent, la mitraillette en position de tir, tenant en laisse une meute de chiens policiers. Toute résistance était impossible. Grondant et montrant les crocs les chiens tiraient sur leur laisse à quelques mètres seulement des déportés, attendant d’être lâchés pour se précipiter sur eux. Des enfants se mirent à pleurer, en se
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