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Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz

Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz

Titel: Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Filip Muller
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Amen ! Amen ! »
    Les deux mille prisonniers répétaient chacune de ces paroles, bien que certains n’en comprissent pas le sens. Après cette émouvante prière – presque tous avaient les larmes aux yeux – des scènes déchirantes se déroulèrent devant nous. Mais les larmes n’étaient plus seulement celles du désespoir. Pénétrés presque tous d’un profond sentiment religieux ils se remettaient dans la main de Dieu.
    L ’Oberscharführer Voss se tenait avec ses compagnons dans le voisinage des responsables S.S. et regardait avec impatience son bracelet-montre. Le recueillement des prisonniers avait atteint son point extrême. La foule récitait maintenant à haute voix la prière des morts, le Kaddisch. Comme après leur fin, il n’y aurait plus personne pour la dire à leur intention, les victimes prononçaient elles-mêmes les paroles sacrées au seuil de leurs derniers instants.
    Ils pénétrèrent ensuite dans la chambre à gaz. En quelques minutes les cristaux bleu-violet de cyclon B achevèrent de produire leurs irrémédiables effets. Puis les derniers râles des agonisants s’estompèrent. Dehors, l’existence quotidienne reprenait son cours habituel. Le lendemain matin, lorsque la musique de l’orchestre du camp retentit pour le départ au travail d’un millier d’esclaves, rien ne paraissait changé.
    Les juifs des ghettos de Sosnovitz et de Bedzin se doutaient eux aussi de ce qui se passait à Auschwitz et ne se faisaient aucune illusion sur leur destin. Ceux des villes polonaises essayaient bien de s’enfuir, mais ces tentatives se terminaient presque toujours tragiquement. Les hommes de la Gestapo de Katowitz pourchassaient avec des chiens policiers les fuyards jusque dans leurs cachettes les plus secrètes. Arrêtés, ils étaient dirigés sur le crématoire de Birkenau, où on les abattait d’une balle dans la nuque. Les exécutions avaient alors lieu avec des armes de petit calibre de 6 mm et les coups, étant tirés presque à bout portant, ne laissaient au point d’impact qu’une tache bleu-gris de la grosseur d’une pièce de monnaie.
    On exterminait même les malades mentaux. Ils acceptaient en général leur sort sans réagir, car la plupart n’étaient pas conscients. C’est ce qui eut notamment lieu pour quelques petits convois de Pologne, qui venaient manifestement d’établissements psychiatriques. Les déments vivaient dans les pires conditions matérielles ; presque tous étaient sous-alimentés, leurs vêtements étaient sordides et déchirés, la plupart couverts de vermine. Lorsqu’on leur ordonnait de se déshabiller, ils réagissaient de manière très différente. Certains, ne réalisant pas ce qu’on leur demandait, restaient passifs malgré les commandements réitérés accompagnés de menaces. Il fallait que les S.S. se fassent comprendre avec des coups.
    D’autres regardaient fixement les S.S. pour reprendre ensuite un air morne et indifférent, ou bien allaient de droite à gauche en prononçant des paroles inintelligibles, ne saisissant absolument pas ce que l’on attendait d’eux. Conduits au mur d’exécution, ils pouvaient voir leurs camarades, que l’on venait de tuer, étendus sur le sol. Mais cela ne paraissait même plus les impressionner.
    Quelques-uns, en revanche, obéissaient docilement aux ordres de déshabillage en ricanant. Il y avait des femmes parmi eux, et l’idée de se trouver en présence de femmes nues avait manifestement un effet excitant sur eux. Il y avait, bien sûr, aussi ceux qui poussaient des cris de panique à la vue de leurs camarades exécutés. Chez des psychotiques le choc provoqué était tel que la raison semblait leur revenir brusquement, dans un éclair de leur conscience malade. Mais il était malheureusement trop tard pour eux.
    On exécutait également de cette manière un grand nombre de jeunes gens qui avaient pris les armes dans des groupes de francs-tireurs, ainsi que des prisonniers russes et des civils polonais.
    Parfois, le médecin S.S. qui assistait régulièrement aux exécutions n’était pas présent à l’heure fixée, si bien que celles-ci étaient retardées. J’eus alors souvent l’occasion de m’entretenir avec certaines des futures victimes. De nombreux condamnés étaient encore en bonne forme physique, robustes et bien nourris, dans la force de l’âge. La plupart venaient d’être arrêtés. On remarquait parfois sur eux des traces de sang montrant qu’ils avaient

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