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Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz

Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz

Titel: Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Filip Muller
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d’éviter des confusions au cours des inévitables combats et fusillades avec les S.S., il fut convenu que nos hommes revêtus des uniformes ennemis se signaleraient par une bande jaune sur leur manche droite. Nous devions nous rallier aux partisans après notre évasion en masse. Nous pensions, sinon rendre impossible, du moins gêner considérablement d’autres déportations en pratiquant des actes de sabotage, en faisant sauter des voies ferrées ou en coupant d’autres voies de communication.
    Toutes les dispositions en vue du mouvement de soulèvement général étaient prises et chacun de nous avait été mis au courant d’une manière précise de sa mission individuelle. Les armes dont nous disposions étaient prêtes à servir, y compris la dynamite en provenance de L’Union-Munitionsfabrik d’Auschwitz. Très peu d’entre nous se faisaient des illusions sur les chances de sauver la grande masse des détenus et la plupart étaient convaincus que seule une minorité d’insurgés réussirait à survivre au cours des prochains combats. Mais chacun espérait, dans le secret de son âme, faire partie de cette minorité.
    Lorsque le jour J arriva, presque tous étaient anxieux et pleins d’appréhension. Les agents de liaison du mouvement de résistance nous avaient signalé à plusieurs reprises que tout était en ordre. Nous vécûmes les heures de l’après-midi dans une attente fiévreuse. Je revoyais la confusion désespérée et sans issue qui régnait dans le local de déshabillage lorsque cette charmante et svelte danseuse avait arraché l’arme de Quackernack et celle de Schillinger pour les abattre. S’il avait suffi du geste d’une faible femme armée d’un revolver pour semer la panique chez les sbires S.S., comment réagiraient-ils lorsqu’ils auraient à faire face à la révolte brutale et soudaine d’une bande de détenus armés, résolus à combattre à tout prix pour leur vie ? C’est la question que je me posais en pensant à l’attaque que nous avions préparée et à laquelle ils ne s’attendaient absolument pas.
    Dans cette ambiance pleine de tension, personne n’avait remarqué la présence de trois détenus poussant une brouette contenant, paraît-il, des matériaux de construction qui nous étaient destinés, en provenance du crématoire II. L’un d’eux fit savoir à nos chefs que du fait de circonstances imprévues rendant problématique la réussite de l’opération envisagée, le jour J était remis à plus tard. Cette nouvelle nous bouleversa. Nous ne pouvions croire qu’il fallait à la dernière heure renoncer à mettre en œuvre notre soulèvement. Les affirmations suivant lesquelles il ne s’agissait que d’un retard de quelques jours ne pouvaient nous rassurer. Toutes sortes de bruits fantaisistes circulaient parmi nous. Suivant certains, des difficultés auraient été signalées dans le cadre du commando « Canada » ; suivant d’autres rumeurs, la Gestapo aurait procédé à une rafle importante de résistants à Kottowitz. Nous ne sûmes jamais les raisons de cet ajournement de dernière minute. Peut-être était-ce la conséquence des règles en usage dans des organisations de résistance clandestines.
    Peu à peu, la fièvre qui régnait dans notre milieu se calma et la vie affreuse du commando spécial reprit son cours habituel lorsque, vers la fin du mois de juin 1944, notre situation devint encore plus critique.
    Toujours aussi rusé et madré, Moll eut un jour l’idée de transférer l’installation entière du commando spécial à l’intérieur des locaux de destruction en masse, afin de l’isoler complètement du camp.
    Certains détenus du commando s’installèrent dans les combles des crématoires II et III, alors que la plus grande partie d’entre nous dut se caser dans la salle de déshabillage du crématoire IV. Je fus logé à la même enseigne que ces derniers. Cette décision nous mit dans un grand embarras car il était maintenant évident que le plan de soulèvement ne pouvait plus se réaliser comme il avait été initialement prévu ; en effet, les changements d’équipes se faisaient désormais sur place, sans déplacements dans le camp. Il fallut donc élaborer un nouveau programme. Je redoutais une initiative dangereuse de Moll : n’allait-il pas procéder à une « sélection » dans nos rangs ? Dans cette hypothèse, je n’avais aucune chance de m’en tirer, car Moll ne manquerait pas de

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