Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz
leur terreur, puis il les abattait froidement d’un coup de feu par-derrière, les faisant basculer dans l’innommable fosse en ébullition.
Je fus une fois le témoin d’une scène semblable au cours de laquelle plusieurs jeunes femmes, telles des biches aux abois, se précipitèrent dans un réseau de barbelés derrière une fosse. Moll lâcha aussitôt son chien de berger qui bondit et s’élança furieusement à leur poursuite, les pourchassant l’une après l’autre en les mordant cruellement aux fesses, tandis que ses acolytes, accourus à la hâte, repoussaient les malheureuses, hurlant de terreur, avec leur matraque, jusqu’à la fosse d’où s’échappaient encore des flammes. La cruauté de Moll tourna alors au délire. Il ordonna aux femmes épouvantées de se placer les unes à côté des autres, le visage tourné vers la fosse. La vision des cadavres en combustion les poussa au paroxysme de la panique. Derrière elles, le chien de Moll spécialement dressé, bondissait, les yeux étincelants de fureur, la gueule ouverte, veillant à ce que les victimes ne fassent aucun mouvement. Saignant abondamment, pétrifiées, se raidissant dans un effort désespéré pour ne pas tomber dans la fosse, elles offraient le spectacle le plus insoutenable de la détresse humaine.
Moll, au comble de l’excitation et de la lubricité, cria comme un fou aux femmes sans défense : « Regardez bien, regardez devant vous ! Vous allez brûler exactement comme tous ceux que vous voyez à vos pieds ! » Puis ils les abattit l’une après l’autre d’un coup de carabine.
Autre exemple non moins barbare et ignoble : Moll trouva un jour deux bagues en or chez le kapo Leibele. Il chassa alors le jeune homme dans la salle d’incinération du crématoire et, là, lui fit lier les deux mains dans le dos. Puis ses assistants le suspendirent à un crochet. Sous l’effet d’une douleur atroce, Leibele perdit conscience. Moll ordonna alors qu’on le remît à terre et fit déverser sur lui plusieurs seaux d’eau. Leibele revint à lui mais refusa d’indiquer l’endroit où il avait pris les bagues. Écumant de rage, Moll lui déclara qu’il se chargeait, lui, de le faire parler. À cet effet, il apporta un bidon d’essence dont il arrosa le corps du supplicié, projeta sur lui une allumette en feu qui produisit aussitôt un jet de flamme accompagné d’une explosion. Transformé en torche vivante l’infortuné Leibele courut en hurlant se jeter sur le fil barbelé à haute tension. Mais avant même de l’atteindre, Moll tira sur lui, mettant ainsi fin à ses épouvantables souffrances.
Véritable fou sadique, Moll ne cessait d’inventer de nouveaux moyens diaboliques pour tourmenter ses victimes, ses méthodes atteignant un degré de brutalité et de barbarie difficilement concevable. Un certain nombre d’intellectuels ayant échoué au commando spécial, il semblait d’abord prendre en considération leur qualité de professeur, d’enseignant, de journaliste, de médecin, de juriste, d’ingénieur ou d’artiste. Puis lorsque ses ignobles pulsions le tourmentaient, il choisissait parmi eux ses victimes, prenant un malin plaisir à se faire rappeler leur profession. Leur faire pratiquer « la nage des grenouilles » dans les deux bassins de réserve d’eau contre l’incendie du crématoire IV ou du bunker V était alors son passe-temps favori. Il précipitait dans ces réservoirs les détenus qu’il avait condamnés et les laissait nager en dépit de leurs hurlements désespérés jusqu’à complet épuisement de leurs forces et leur noyade définitive. Il se complaisait longuement avec ses comparses au spectacle des malheureux qui luttaient contre la mort en tentant de s’approcher du bord, ce qu’ils ne pouvaient faire, sous la menace du revolver ou du fusil brandi sous leurs yeux.
Il convient également de rappeler un autre sport du répertoire de Moll qui s’appelait « la bataille des briques ». Les victimes désignées étaient réparties en deux groupes qui recevaient respectivement un important lot de briques ramassées aux alentours. Il fallait alors frapper des deux mains les briques les unes contre les autres jusqu’à ce qu’elles se brisent ou éclatent. Il résultait naturellement des blessures sanglantes et douloureuses pour les participants. Les détenus de l’équipe perdante étaient poussés par les aides de Moll en direction des barbelés et abattus comme des
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