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Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz

Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz

Titel: Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Filip Muller
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pour incendier le crématoire IV. Dans tous les endroits où le feu était susceptible de se développer, principalement entre les chevrons des combles et le toit bitumé, ils glissaient des chiffons imbibés d’essence et de méthanol. Ils faisaient de même sous les lits de camp en bois à trois niveaux et dans la soute au coke, où tout était prêt pour l’incendie. Les vingt-quatre heures suivantes passèrent dans une ambiance pénible, chargée de tension, presque intolérable. L’agitation et la fébrilité des détenus concernés par la mesure croissaient sans cesse. Les 300 candidats à la mort s’étaient rendu compte que leur destin était désormais scellé, ils devenaient d’heure en heure plus impatients et ils plaçaient tous leurs espoirs en nous ; ils pensaient nous entraîner avec eux et peut-être attirer la masse des autres détenus du camp. Nous comprenions leurs espoirs ; c’étaient des hommes qui vivaient dans la perspective d’une mort imminente et se raccrochaient au moindre indice favorable comme des fourmis qui se noient au moindre fétu de paille.
    Le lendemain, 7 octobre, le ciel était bleu et sans nuages. Vers midi, arrivèrent dans la cour du crématoire IV le Scharführer Busch et Gorges, accompagnés de Schuss, de quelques S.S. de la section politique et de quelques hommes des corps de garde S.S. Ils convoquèrent tous les détenus à l’exception des hommes de la corvée de ravitaillement qui étaient occupés dans le camp et les huit chauffeurs chargés de maintenir en état de marche les installations du crématoire V. Ces quatorze hommes n’étaient pas concernés par la « sélection ». Busch commença à faire l’appel des premiers noms avec leur numéro figurant sur la liste, en commençant par les numéros les plus élevés. Les détenus « sélectionnés » durent se rassembler de l’autre côté de la cour, ceux qui n’étaient pas concernés pouvaient regagner le crématoire V par l’allée principale du camp. Le groupe des candidats à la mort ne cessait d’augmenter. Comme je portais le plus bas numéro des personnes rassemblées dans la cour, je me tenais toujours à côté de ceux qui n’avaient pas encore été appelés.
    Certains noms demeuraient sans écho, une dizaine de personnes ne répondant pas malgré les rappels énergiques de Busch. Ils avaient dû se dissimuler quelque part. C’est pourquoi, il donna l’ordre à quelques sentinelles de se rendre au crématoire IV pour tenter de débusquer éventuellement des déserteurs. Lorsque ces surveillants S.S. se mirent en route, une grêle de pierres lancées depuis les rangs des détenus « sélectionnés » les atteignirent, et quelques S.S. furent blessés ou assommés. D’autres S.S. réussirent à s’enfuir et ajustèrent, fous de rage, leurs armes sur les assaillants. Deux S.S. s’échappèrent sur des bicyclettes en stationnement sur la route du camp et purent rejoindre leur cantonnement. Entre-temps, le crématoire IV avait été incendié. Le feu avait pris en différents endroits. Les flammes se propageaient à l’extérieur et des nuages de fumée se répandaient dans le ciel. Cinq minutes à peine après le déclenchement de l’action de résistance ouverte, les sirènes du camp donnaient l’alerte. Un peu plus tard des camions arrivèrent avec des grincements de freins sur la route entre les crématoires IV et V ; des S.S. avec leur casque d’acier, certains d’entre eux en gilet de flanelle et en bretelles, sautèrent immédiatement dans la cour en l’encadrant et ajustèrent leur mitraillette. Je me trouvai encore dans la cour où couraient en tous sens des détenus affolés et désordonnés, au moment où les armes à feu entrèrent en action. Les armes automatiques crépitaient, les balles sifflaient, les hommes s’écroulaient les uns après les autres, frappés par les projectiles comme des lièvres à la chasse. Finalement la foule se rua sur le réseau des barbelés pour tenter d’y faire une brèche.
    Je courus jusqu’au crématoire IV en me jetant au sol à quelques mètres de la porte. La fusillade était toujours aussi intense. Mon seul espoir était d’atteindre le crématoire sans être blessé. Rassemblant mes dernières forces, je fis quelques bonds en avant et me précipitai à travers la porte. À bout de souffle, je constatai que le local d’incinération où je me trouvais était en feu. Les portes en bois étaient en flammes,

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