Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz
quelques poutres de la toiture étaient carbonisées. La soute à coke était également en feu. Les vitres des fenêtres du mur opposé étaient brisées par les balles. Dehors, la fusillade ne diminuait pas. Les balles atteignaient les fours et ricochaient dans toutes les directions.
Je compris soudain que si j’arrivais à m’introduire dans le canal reliant les fours à la cheminée, je serais absolument en sécurité. Je relevai le lourd couvercle de fonte, me glissai en dessous et remis dans sa position de fermeture la plaque métallique. Une fois installé dans ce réduit, je repris mon souffle. J’entendais encore les coups de feu à l’extérieur. Peu de temps après, la fusillade diminua d’intensité et je rampai jusqu’à la cheminée, où je pus me redresser.
En regardant vers le haut, je vis un curieux spectacle : le ciel d’un bleu radieux se découpait dans une section quadrangulaire de la cheminée entourée par ses quatre murs brillants, noircis par la suie. Tremblant sous le coup de mon émotion, j’allumai une cigarette en rejetant la fumée vers le haut, dans la massive cheminée. Alors que la fumée bleue se dissipait dans l’air, je pensais à tous ces hommes dont les restes s’étaient également évanouis dans cette installation gigantesque de mort.
Le calme était revenu à l’extérieur, et je commençai à m’apaiser. Mais ce répit fut de courte durée et brutalement interrompu par un vacarme formidable. Le corps des sapeurs-pompiers intervenait pour éteindre l’incendie. L’eau se déversait du haut du conduit et je fus aspergé. Je me faufilai alors dans le canal d’évacuation en attendant ce qui allait arriver. Lorsque le calme commença à revenir, je sortis de ma cachette et me rendis prudemment jusqu’à une fenêtre de laquelle je pouvais observer la cour antérieure du crématoire IV. C’était un triste spectacle : la cour entière était jonchée de cadavres. Des S.S. parmi lesquels je reconnus L’Oberscharführer Houstek couraient avec leur carabine dans tous les sens pour s’assurer que tous les corps étaient inanimés. Ils piétinaient les corps et, au moindre mouvement, tiraient quelques coups de feu jusqu’à ce que les victimes deviennent inertes.
Ce spectacle me convainquit qu’il me fallait attendre que le calme revînt définitivement. Je réfléchissais à ce que je devais faire. J’avais échappé au massacre dans la cour, mais je ne savais pas encore comment j’allais sortir de là sain et sauf. Après mûre réflexion, je compris que je devais profiter du retour de l’obscurité à l’extérieur. Il me faudrait alors maîtriser la sentinelle en faction sur le terrain du crématoire IV à côté de la porte qui donnait accès à l’entrepôt des effets B. II g. Il y avait à côté de la porte principale, une autre petite porte qui n’était jamais fermée et par laquelle il m’était possible d’atteindre l’entrepôt des effets. Une fois revêtu de l’uniforme de la sentinelle abattue, et si je réussissais à liquider la deuxième sentinelle du côté opposé au dépôt des effets, il devait être facile de disparaître à la faveur de l’obscurité.
Je devais tenter de neutraliser les deux S.S. par-derrière en les frappant d’un seul coup bien ajusté. Il me parut que la meilleure arme à utiliser à cet effet était le pique-feu à l’aide duquel on nettoyait les grilles des fours ; ce type d’outil existait en grand nombre dans la soute à coke.
Il pouvait être minuit lorsque je sortis de mon réduit. Le moment paraissait favorable pour l’exécution de mon dessein. Le toit du local d’incinération avait été complètement incendié ; seuls quelques chevrons étaient encore incandescents comme s’ils étaient envahis par des vers luisants. En regardant autour de moi, j’avais l’impression que la fabrique de mort était devenue hors d’usage.
Je me glissai prudemment jusqu’à la soute à coke et m’emparai d’un pique-feu d’environ 40 cm de longueur. Puis j’allai jusqu’à la porte donnant sur la partie arrière de la cour et l’entrebâillai avec précaution. Je jetai un regard dehors ; tout était calme, je ne remarquai rien d’anormal. Le ciel était étoilé, une lune pâle éclairait la campagne environnante. C’était le grand silence de la nuit, je n’entendais que ma propre respiration. J’avançai en rampant, me glissant prudemment, centimètre par centimètre, comme un
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