Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz

Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz

Titel: Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Filip Muller
Vom Netzwerk:
l’enlèvement des décombres. Ils devaient être envoyés dans une ville de Haute-Silésie presque entièrement détruite par un raid aérien. Busch donna l’ordre aux kapos de lui remettre dans les vingt-quatre heures une liste de 300 détenus avec leur matricule.
    Cette fois, les choses se simplifiaient et l’on s’en remettait aux kapos du soin de décider de la vie ou de la mort de 300 hommes, puisque leur inscription sur la liste des « sélectionnés » signifiait leur mort. Nos kapos se trouvaient ainsi placés dans un cas de conscience sans issue et désespéré. En effet, ils ne pouvaient garantir la survie d’aucun d’entre nous, mais la décision d’écarter certains détenus de leur inscription sur la liste des condamnés entraînait celle, inéluctable, de leurs camarades. Après de longues discussions et une nuit entière d’insomnie, on décida d’écarter de la liste les noms des camarades les plus aptes, en cas de résistance ouverte, à donner une aide aux autres et à sauver leur vie. Il convenait de retenir en premier lieu les détenus les plus anciens qui avaient eu l’occasion de donner à plusieurs reprises les preuves de leur capacité d’entraide.
    Mais quel critère fallait-il adopter pour le choix des camarades anciens dans le camp ? Ce choix donnait lieu à de longues et interminables discussions au sein du commando spécial. Tous les « anciens » détenus intervenaient auprès des kapos en faveur d’amis ou de leurs meilleurs camarades pour tenter de leur sauver la vie. Chacun de nous proposait les noms de quelques personnes jugées indispensables dont il se portait garant. De mon côté, j’en fis autant pour deux médecins hongrois, le D r  Peter et le D r  Havas. Mais ce fut en vain. On m’objecta que je devais être heureux que ma propre vie ne fût pas en jeu et l’on me fit comprendre qu’il n’y avait pas beaucoup à attendre de la part de ces médecins si sensibles, dans le cas où la situation deviendrait grave. Après une nuit longue et dramatique, la liste des 300 noms et matricules fut dressée le matin suivant. Les noms des malheureux qui avaient obtenu le mauvais numéro à cette loterie du destin se répandirent comme une traînée de poudre. Aucun d’eux ne se faisait la moindre illusion sur la créance qu’il fallait accorder aux propos de Busch et à la valeur du prétexte invoqué par celui-ci pour l’établissement de cette liste.
    Les 300 détenus désignés par les kapos étaient en grande partie des juifs hongrois et grecs. Mais avant que la liste ne fût remise à Busch, certains détenus concernés par la « sélection » intervinrent auprès des dirigeants de groupes de résistance et déclarèrent qu’aucune des 300 victimes proposées n’était disposée à se laisser abattre sans résistance. Ils pensaient que l’heure du soulèvement avait sonné et ils exigeaient que le commando spécial participât à cette action, quelle que fût la prise de position des autres détenus dans le camp. Ils donnaient en outre à entendre qu’ils étaient résolus à entreprendre la résistance ouverte, même dans le cas où personne ne les soutiendrait.
    Vers midi, les hommes de corvée de ravitaillement informèrent nos agents de liaison avec le mouvement de résistance de tout ce qui se préparait. Quelques heures plus tard, dans la soirée, ils apportèrent la réponse avec la corvée de soupe du soir. On nous faisait savoir qu’il fallait à tout prix éviter le soulèvement qui ne pourrait manquer d’entraîner une catastrophe pour le camp tout entier. Les chefs de notre groupe de résistance déclaraient aux porte-parole des détenus visés par la « sélection » qu’ils étaient parfaitement accessibles à leurs arguments, mais que personne ne pouvait actuellement participer à une action violente. C’était également le point de vue du mouvement de la Résistance.
    La liste des noms et des numéros des candidats à la mort avait été remise à Busch depuis déjà deux jours, mais sans réaction de sa part. Les 300 hommes dont « la liquidation » était imminente étaient saisis d’une nervosité fiévreuse et se livraient à une activité insolite et infatigable. Je remarquai qu’ils dissimulaient sous leurs vêtements des chiffons, du méthanol, de l’essence et d’autres matières combustibles et les transportaient du crématoire V dans le crématoire IV. Après l’appel du soir, ils firent des préparatifs

Weitere Kostenlose Bücher