Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz
manière dont s’étaient déroulés les événements : lorsque les sirènes s’étaient mises à hurler après le déclenchement de l’attaque, seuls se trouvaient sur le terrain des crématoires II et III les détenus non concernés par la « sélection ». À la vue des flammes qui jaillissaient du crématoire IV et lorsqu’ils avaient entendu la violente fusillade dans ce secteur, ils s’étaient rendu compte qu’ils couraient un grand danger.
Les prisonniers de guerre russes avaient alors commencé par se jeter sur l’Oberkapo Karl Konvœnt et, après l’avoir maîtrisé, l’avaient précipité encore vivant dans le foyer de l’un des fours. Quelques autres détenus avaient tenté en même temps de rappeler dans le crématoire le chef du commando, qui s’était rendu près de la porte au moment du déclenchement de l’alerte, et de le liquider de la même façon. Mais le bruit et le crépitement de la fusillade l’avaient rendu soupçonneux : il n’avait pas répondu à leur appel et avait réussi à s’enfuir. Lorsque des sentinelles S.S. armées s’étaient approchées pour cerner définitivement les crématoires II et III, la décision de révolte ouverte venait d’être prise. Des détenus s’étaient précipités sur les cachettes où se trouvaient dissimulées les trois grenades à main et les armes. Ils avaient sectionné ensuite, à l’aide de pinces isolantes, les fils de fer barbelés du camp, ainsi que ceux du secteur des femmes. Puis la grande masse des prisonniers s’était ruée par les brèches ouvertes dans le réseau. Mais entre-temps, des S.S. des corps de garde, venant de tous les côtés, s’étaient rapprochés ; une grenade lancée dans leur direction avait semé une énorme confusion dans leurs rangs car ils ne s’attendaient nullement à cette attaque. Des détenus, profitant de cet instant de flottement, avaient réussi à franchir la ligne de surveillance de la grande chaîne des patrouilles et à fuir quelques kilomètres plus loin dans la direction de Rajsko. Mais ils s’étaient heurtés bientôt à la résistance de l’ennemi qui avait alerté les troupes S.S. du secteur qui cernaient toute la zone de la rébellion. Des fugitifs s’étaient alors réfugiés dans une grange et il y avait eu un violent combat au cours duquel le bâtiment avait pris feu. L’incendie s’était propagé si rapidement que les fugitifs avaient été contraints de quitter leur abri et de faire face aux S.S. en rase campagne. Mais, malgré leur résistance courageuse, le rapport des forces en présence était disproportionné ; les S.S. avaient l’avantage du nombre et de l’armement et nos camarades n’avaient pas eu d’autre ressource que de se battre jusqu’à la dernière cartouche. Les quelques rescapés, grièvement blessés, rapportèrent malgré leur extrême faiblesse, avec une grande satisfaction, que des S.S. avaient été abattus au cours de la fusillade, et d’autres blessés. On apprit d’ailleurs plus tard que le commandant du camp avait décoré quelques S.S. de la croix de fer en mentionnant que pour la première fois des postes de garde S.S. avaient eu à faire face à une révolte en masse des détenus d’un camp de concentration. Pour les récompenser de leur héroïsme, il les avait cités à l’ordre du jour du « Führer ». Environ 450 détenus du commando spécial périrent au cours de ces vingt-quatre heures, bien que Busch n’ait exigé que l’inscription de 300 noms et numéros d’immatriculation sur la liste de la « sélection ». Mais ces 450 hommes avaient lutté courageusement et avaient préféré une mort digne à une soumission passive. Ils avaient défendu leur vie jusqu’à leur dernier souffle, exemple unique dans l’histoire d’Auschwitz. L’un des crématoires avait été détruit, des S.S. avaient été abattus, d’autres blessés. Cependant, même en admettant que l’on réussisse à faire sauter toutes les chambres à gaz et les installations d’anéantissement, le problème restait sensiblement inchangé ; en effet, l’organisation de destruction mise au point par Moll avait montré que les crématoires n’avaient qu’un rôle secondaire. Après la réception des victimes sur la rampe, il était trop tard. Pour obtenir une action vraiment efficace contre les opérations d’anéantissement, il fallait absolument s’opposer à l’organisation d’autres convois sur Auschwitz. Cela n’était
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