Tsippora
faire en Égypte ?
— Voir Pharaon, peut-être ?
répliqua Hobab avec un petit rire.
Tous le regardèrent. Tsippora devina que la
moquerie de son frère cachait une autre pensée.
— Tu sais quelque chose !
gronda-t-elle en laissant percer sa colère.
— Ne fais pas tes yeux de lionne, ma
sœur, plaisanta Hobab.
Jethro leva la main pour les interrompre.
Il hocha la tête en direction d’Hobab.
— Raconte.
*
* *
Cela s’était passé la veille de la
disparition de Moïse. Presque à l’heure où le soleil atteignait son zénith, la
caravane conduite par Hobab avait rencontré des marchands d’Akkad en provenance
d’Égypte. Une longue colonne d’une centaine de chameaux lourdement bâtés et
autant de bêtes atteignant à peine la taille adulte. Ils rejoignaient les
riches villes des rives de l’Euphrate quittées une année plus tôt. Les bâts des
chameaux étaient gonflés de tissus, de pierres gravées, de bois du pays de
Kouch et même de bateaux de joncs comme on ne les concevait qu’au pays de
Pharaon.
Comme d’ordinaire, les deux caravanes
s’étaient immobilisées, les uns et les autres dressant les tentes pour la nuit
avant de prendre le temps de boire et d’échanger des nouvelles. Les marchands,
découvrant les forgerons, avaient désiré acquérir des armes à longues lames de
fer. Leur déception avait été grande d’apprendre que tout avait déjà été vendu
sur les marchés de Moab et d’Édom.
— Ma déception était aussi grande que
la leur, soupira Hobab. Ces marchands d’Akkad nous proposaient de jeunes bêtes.
Des chamelles à poils gris venant du delta du Grand Fleuve Itérou, et sans
conteste plus belles que celles que nous ramenons. Ils ont vu ma mine déconfite
et ont promis qu’un jour ils passeraient par ici pour réaliser les affaires que
nous n’avons pu faire.
— Et Moïse ?
— Moïse… Il nous avait rejoints depuis
presque une lune déjà. Il s’est assis avec nous pour boire le lait avec les
marchands. Sans rien dire. Sans paraître vraiment curieux. Écoutant et même
souriant quand les marchands plaisantaient. Quand chacun eut parlé, il a
demandé si les marchands avaient des nouvelles des villes sacrées du nord du
Grand Fleuve. Un homme a dit : « Oui, les murs de pierre y
grandissent chaque jour, des palais pour les vivants et pour les morts, où les
esclaves triment plus que jamais sous le fouet du nouveau Pharaon. Il est
jeune, mais il est plus terrible que tous ceux qui l’ont précédé.
— Un jeune Pharaon ? » s’est
étonné Moïse. Calmement, il a demandé : « Es-tu certain que Pharaon
soit jeune ?
— Ceux d’Égypte disent que la dernière
crue du Grand Fleuve l’a désigné. Aujourd’hui, il fait détruire les statues du
Pharaon qui l’a précédé. » En entendant cela Moïse s’est raidi. Il a
questionné l’autre comme s’il nous avait oubliés. « Est-ce là ce que tu as
vu de tes yeux ou sont-ce des mots que tu as entendus ?
— Non, non, a protesté le vieux
marchand, je l’ai vu de mes yeux ! J’étais dans la ville des rois à la
dernière grande crue. »
Le marchand avait expliqué comment il avait
remonté le Grand Fleuve Itérou jusqu’à Ouaset, la ville des rois. Il allait y
vendre les pierres bleues des montagnes d’Aram dont les princesses d’Égypte
sont si friandes pour leurs bijoux. Il y était parvenu pour apprendre qu’il ne
pourrait pratiquer son commerce avant la saison suivante. Pharaon venait de
succéder à sa vieille épouse, qui était aussi sa tante, et elle-même Pharaon
avant que lui-même devienne Pharaon, et les étrangers n’étaient pas autorisés à
entrer dans les palais.
— Que racontes-tu ? s’exclama
Jethro. Son épouse était Pharaon ?
— C’est ainsi que parlait le marchand,
s’amusa Hobab. Le nouveau Pharaon a d’abord été le neveu puis l’époux de
l’ancien Pharaon, qui était une femme. Il a prononcé son nom, mais je ne
saurais le répéter. Tout semble très compliqué, en Égypte.
— Une femme, répéta Jethro, le visage
plein de curiosité.
— Oui, rit Hobab. Mais écoute
cela : avant de devenir Pharaon, cette femme a d’abord été fille de
Pharaon, puis épouse d’un autre Pharaon, qui était son frère. Qu’Horeb rie avec
nous, mon père ! C’est ainsi que vont les puissants au pays du Grand
Fleuve Itérou.
— Mais Moïse ?
— Oh, tout cela n’a pas paru le
surprendre. Ce qui l’a surpris, en
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