Tsippora
un long moment,
étrangement patients et retenus, guettant le sommeil de leur enfant. Une fois,
Moïse tendit le bras et rechargea le feu, éparpillant les flammèches dans les
hautes branches du sycomore. Gershom enfin s’endormit. Avec précaution,
Tsippora le déposa dans son couffin et revint s’agenouiller tout contre Moïse.
Elle l’enlaça, sa bouche près de son oreille, et chuchota :
— Je ne me suis pas endormie une seule
nuit sans songer à toi, et Gershom n’a pas ouvert les yeux un seul jour sans
que je lui murmure à l’oreille le nom de son père.
— Alors, pourquoi t’obstiner ?
C’est comme si nous étions en guerre.
De la main, elle lui ferma la bouche. Ses
lèvres s’appuyèrent contre son cou. Ses doigts et sa bouche devinrent aussitôt
caresses fébriles. Elle se leva, l’attira à elle, lui baisant la poitrine à
travers la tunique. Moïse marmonna son nom, « Tsippora !
Tsippora », autant par prière que par protestation. Elle l’embrassa avec
une fureur qui les fit chanceler, le poussa sous la tente, le mit nu en un
tournemain. Quand elle saisit son sexe, il fit mine de la repousser. Elle
demanda :
— Ce geste, tu l’as eu avec la
servante Murti. Vas-tu l’avoir avec moi ?
— Tu savais ?
— L’aube où elle a quitté ta tente,
j’étais là dehors. Elle s’était écartée. Il l’agrippa et à son tour la dénuda,
les mains et la bouche affamées, tombant à genoux, l’allongeant sous son poids.
Haletante, Tsippora lui offrit le parfum
d’ambre de ses cuisses et de ses reins avec la même impatience vorace que
là-bas, dans la cour de son père, on se jetait sur le festin.
*
* *
Plus tard, alors qu’ils étaient encore
noués l’un à l’autre, Moïse déclara :
— Toi et ton père, vous vous trompez.
Pourquoi irais-je affronter Pharaon pour revoir ma mère Hatchepsout ?
Peut-être, parmi les milliers d’esclaves, ma vraie mère est-elle en vie, elle
aussi. C’est elle que je devrais soutenir aujourd’hui, et non celle qui lui a
volé son enfant. Mais elle, elle est perdue dans la multitude de ceux qui
souffrent, tel un grain de sable dans le désert… Et puis Thoutmès serait bien
trop content de me capturer et de se servir de moi pour accroître l’humiliation
d’Hatchepsout.
Tsippora l’écouta sans répondre. Moïse
reprit :
— À Edom, Moab et Canaan, ils
s’apprêtent à la guerre avec Pharaon. Ils y sont contraints et la redoutent.
Rends-toi compte, Tsippora : des nations entières tremblent devant la
puissance de Pharaon tandis que ton père et toi vous me dites : retourne
devant Thoutmès et demande-lui d’alléger la peine des Hébreux ! C’est
absurde.
Tsippora ne répondit pas. Elle tendit l’oreille
pour s’assurer du sommeil de l’enfant. Son silence dérouta Moïse. Il patienta
un instant, puis se redressa. D’une voix plus forte, où croissait l’irritation,
il demanda :
— Ce n’est pas ma mort que je crains,
mais l’usage qu’en fera Thoutmès. Et toi, et Gershom, que ferez-vous de mon
cadavre ? Je ne te comprends pas ! Tu es ici comme mon épouse, il te
suffit d’un mot. Pourquoi tant s’obstiner à ne pas le dire ?
Tsippora leva les mains pour lui caresser
le ventre et la poitrine. Elle répondit tout bas, avec une douceur qui
atténuait la violence du reproche :
— Parce que tu n’es pas encore l’homme
digne d’être mon époux. Celui que j’ai vu en rêve.
Moïse soupira, exaspéré, et retomba sur la
couche à plat dos. Tsippora s’assit, un sourire de tendresse aux lèvres,
poursuivant ses caresses.
— Ce que tu dis est plein de raison.
Tu es plein de raison, s’amusa-t-elle en lui baisant les épaules, le menton et
les yeux. Et tu penses que tout ce qui n’est pas ta raison est folie, n’est-ce
pas ? Pourtant, ta raison ne te permet pas d’être en paix.
Moïse chercha à la repousser alors que déjà
montait son désir.
— Si je ne suis pas en paix, c’est à
cause de toi et de Gershom. Nous sommes en faute. Il est sans père. Devant tous
ici, à Madiân, chez ton père nous sommes en faute !
Tsippora l’enfourcha et le fit glisser en
elle en demandant :
— Comment sais-tu que tu es en faute,
toi qui ne crois pas même en la colère d’Horeb et n’obéit pas à sa
volonté ?
*
* *
Moins d’une lune plus tard, Tsippora
annonça à Moïse que son sang n’était pas venu et que pour la seconde fois il
allait être père.
Il ouvrit les bras
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