Tsippora
pour l’accueillir, la
serra contre lui en murmurant à son oreille :
— Nous sommes en faute.
Tsippora pressa son front contre sa nuque
puissante et répondit :
— Ma volonté est celle d’Horeb.
Écoute-le ! Moïse la repoussa avec douceur, mais sa bouche était dure. Il
se contenta de se tourner vers la montagne d’Horeb, semblant prendre la mesure
d’un ennemi avant une bataille.
Le lendemain, Sicheved accourut en
annonçant que Moïse avait replié sa tente et était parti avec son troupeau, sa
mule et ses deux chamelles en direction de la montagne.
Jethro accueillit la nouvelle avec le
sourire, mais il fut bien le seul. Le lendemain, Hobab revint lui-même des
pâturages de l’ouest. À Jethro qui lui demandait s’il avait lui aussi vu Moïse
en route pour la montagne, il répondit :
— J’étais sur le retour hier lorsque
nos chemins se sont croisés. Je l’ai accompagné jusqu’à la tombée de la nuit,
en le mettant en garde contre ce qui l’attendait. Il n’a pas desserré les dents
et m’a fait comprendre que je n’avais rien à faire à son côté.
— C’est bien, approuva Jethro. C’est
bien.
— Comment peux-tu dire que c’est
bien ? s’énerva Hobab avec une vigueur qui surprit Jethro. Les pâturages
de la montagne sont misérables, les pentes dangereuses pour les brebis autant
que pour les chameaux.
— Il n’y va pas pour nourrir son
troupeau, répliqua Jethro.
— Alors, il fallait l’en empêcher.
C’est folie que de le laisser partir ainsi.
Jethro balaya sa protestation d’un revers
de manche.
— Il ne connaît ni les sentiers ni les
sources de la montagne, insista Hobab. Il se perdra, il ne peut en aller
autrement…
Jethro posa la main sur l’épaule de son
fils et montra les nuées vaporeuses qui tournoyaient autour du sommet d’Horeb.
— Apaise-toi. Horeb prendra soin de
lui. Il trouvera son chemin.
Hobab haussa les épaules sombrement, bien
peu convaincu par l’assurance de son père.
Quelques jours plus tard, Moïse n’était
toujours pas revenu. Tsippora passait tout son temps auprès de Gershom. Pas une
seule fois elle n’était venue assister Jethro pour les offrandes. À Sefoba qui
lui servait son repas du matin, il demanda :
— Tsippora serait-elle malade ?
— Si c’est une maladie de ne pas
desserrer les dents et de n’avoir que son orgueil pour retenir ses larmes, oui,
on peut dire qu’elle est malade.
— Mais pourquoi donc ?
— Oh ! Mon père, ne fais pas
l’étonné ! s’agaça Sefoba. Moïse est parti, la voilà à nouveau enceinte et
toujours sans mari. Même les servantes commencent à se demander ce qu’elle va
devenir. Voilà le résultat de ton obstination.
— Holà ! s’écria Jethro.
Souviens-toi que lorsque Moïse est venu me demander sa main, c’est elle qui l’a
refusé, et non moi.
— Allons donc ! Je vous connais
tous les deux. Si tu ne l’avais pas soutenue et encouragée dans cette folie, il
y a longtemps que nous aurions mangé le pain de leurs épousailles.
Jethro se contenta d’un grommellement.
Moïse ne revenait pas. Il en fut ainsi
pendant des jours, des nuits, et des jours encore. La nervosité et l’inquiétude
gagnaient chacun, les visages se tournaient sans cesse vers la montagne et il
n’était pas de journée sans que l’on craignît d’entendre exploser la colère
d’Horeb.
Aux premières lueurs de l’aube, chaque
matin, Tsippora sortait pour scruter le ciel et les masses sulfureuses sur la
montagne, afin de s’assurer qu’elles n’allaient pas rouler sur les pentes et y
brûler l’air. Son ventre grossissait doucement et vite à la fois, comme s’il
était non seulement la vie que Moïse lui avait laissée en gage, mais aussi
l’implacable mesure du temps qui ne cessait de croître depuis son départ.
Une après-midi, alors qu’elle encourageait
les efforts de Gershom qui tentait ses premiers pas, Sefoba la rejoignit, le
rire aux lèvres. Tsippora se redressa précipitamment, déjà prête à recevoir la
bonne nouvelle. Hélas, elle n’entendit pas les mots qu’elle espérait tant. La
joie de Sefoba était tout autre : enfin, elle était enceinte à son tour.
— J’ai tellement attendu, riait-elle.
Et tu peux me croire, je n’ai pas fait qu’attendre. Mais rien, et encore rien,
alors que toi…
Sefoba souleva Gershom pour le manger de
baisers.
— Maintenant, je peux l’avouer, j’ai
craint tout ce temps d’être aussi
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