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Tsippora

Tsippora

Titel: Tsippora Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Halter,Marek
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bien
le dernier de ses soucis. Pour la première fois de sa longue existence, les
mots l’abandonnaient, trop incertains, insuffisants à exprimer l’orage de joie
qui l’avait envahi après que Moïse lui eut, encore et encore, et pour lui seul,
répété chacun des mots prononcés par la Voix. Et après les avoir écoutés avec
tout son savoir, il exultait, embrassant Moïse, déchaînant son vieux corps en
applaudissements.
    — Il nous revient ! L’Éternel n’a
pas oublié notre alliance. Nous ne sommes plus sous Sa colère. Yhwh repose Sa
main sur les fils d’Abraham !
    Une joie, hélas, qui se teinta bien vite de
chagrin. La veille du départ, il prit soudain conscience que Tsippora n’allait
plus être là. Elle ne lui servirait plus ses repas du matin, ne serait plus à
ses côtés pour les offrandes, ne soutiendrait plus ses longs et savants
bavardages. De tout le jour, il ne put la quitter d’un pas, la suivant à gauche
et à droite alors qu’elle s’activait aux derniers préparatifs. Il l’observait
comme s’il devait incruster son visage dans sa cervelle. Ses lèvres étaient
figées sur un sourire alors que sa barbe frémissait et que ses paupières
battaient sur des prunelles trop brillantes. De temps à autre, il voulait la
toucher, reposait sa main sur son bras, frôlait son épaule ou sa nuque. Une
fois même, comme un jeune homme, il la saisit par la taille. Tsippora attrapait
ses doigts, les baisait avec une infinie tendresse.
    — Nous nous reverrons, mon père. Nous
nous reverrons, je le sais. Maintenant tes jours seront paisibles et tu pourras
devenir très vieux.
    Le rire de Jethro, enfantin, résonnait dans
la cour.
    — Que Yhwh t’entende, que l’Éternel
t’écoute ! s’écriait-il, tout heureux de faire rouler ces mots dans sa
bouche.
    À l’aube du départ, alors qu’elle allaitait
Eliezer, deux mains se refermèrent sur les yeux de Tsippora. Elle reconnut sans
peine leur frais parfum.
    — Sefoba !
    Sefoba se coula à côté d’elle. Elle
recouvrit l’enfant et les jambes de Tsippora d’une couverture magnifique tissée
de bandes colorées, de motifs subtilement agencés.
    — Que c’est beau, souffla Tsippora,
écartant Eliezer de sa poitrine pour palper l’étoffe.
    L’enfant cria, Sefoba s’en saisit, le
pressant en riant contre sa joue humide de larmes. À ce contact, Eliezer,
surpris, se tut. Tsippora avait étalé la couverture et en découvrait à présent
le dessin qui, sur le fond de lin sombre, scintillait dans la lumière du matin.
    — Un arbre de vie !
    — Tu te souviens de cette belle étoffe
que Réba avait offerte à Orma ? demanda Sefoba en berçant Eliezer. Celle
qu’elle a déchirée le lendemain de l’arrivée de Moïse…
    Tsippora opina en caressant du bout des
doigts les oiseaux pourpre et doré, les fleurs d’ocre, les papillons d’indigo
qui se perchaient sur les fins branchages.
    — Je l’avais conservée pour toi sous
ma couche, renifla Sefoba, que l’émotion emportait. Depuis longtemps je sais
que ma sœur kouchite va partir et me laisser seule.
    Longuement, alors que dehors s’amplifiait
le bruit des bêtes que l’on formait en caravane, Tsippora et Sefoba se tinrent
enlacées, serrant contre elles Gershom et Eliezer.
    Plus tard, lorsque Moïse fut dans l’une des
nacelles, Tsippora et ses enfants dans l’autre, et la caravane sur le point de
quitter la cour de Jethro, c’est toute la maisonnée qui les accompagna au son
des flûtes et des tambours, des chants et des cris. Puis ce fut le dernier
adieu. Ils s’éloignèrent dans la grande plaine poussiéreuse. Les nacelles
disparurent en dernier, balancées aux pas des chameaux, leurs dais soulevés par
la brise qui venait de la mer et qui sembla répandre sur tout Madiân un calme
que l’on n’avait pas connu depuis longtemps.
    *
    * *
    Cela arriva après quatre jours de route.
Les chameaux avaient été débâtés et les bergers montaient les tentes. Comme il
en avait la coutume désormais, Moïse s’éloigna pour dresser un autel de pierres
pour Yhwh, ainsi que Jethro le lui avait enseigné. Alors que le soleil était
très bas, Tsippora l’aperçut qui revenait d’un pas étrange. Elle se redressa
pour mieux voir. Les ombres étaient longues et la lumière éblouissante. Elle
cria :
    — Moïse !
    Au même instant, il trébucha. Il posa un
genou à terre et ne dut qu’à son bâton de ne pas tomber. Elle courut vers lui
qui se remettait en

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