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Tsippora

Tsippora

Titel: Tsippora Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Halter,Marek
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dans l’ombre, il découvrit
Tsippora à son côté.
    — Tsippora ?
    — Oui ! Oui, Moïse, c’est moi.
    Il la toucha, pressa ses lèvres sèches
contre son cou, l’enlaça, bredouillant :
    — Je suis donc revenu ! Tsippora
rit, les yeux humides :
    — Ce qui restait de toi est revenu sur
le dos d’une mule.
    — Ah !
    Il eut un frémissement, Tsippora craignit
le retour de la fièvre.
    — Il m’a parlé.
    Il lui agrippa les épaules, répéta :
    — Il m’a appelé. Il m’a fait venir à
Lui ! Tsippora n’eut pas besoin de lui demander de qui il parlait. Elle le
repoussa doucement. Il la retint :
    — Je dois te raconter. Il a fait
jaillir un feu dans la montagne. Il m’a appelé : « Moïse !
Moïse ! »
    Il s’agitait, la bouche et les mains
tremblantes. Tsippora posa les doigts sur ses lèvres.
    — Plus tard. Demain tu raconteras.
Repose-toi encore. Il te faut boire et manger un peu pour avoir la force de
raconter.
    Pour le contraindre à la patience, elle
posa le nouveau-né dans ses bras.
    — Il est sorti de mon ventre alors que
la mule qui te portait entrait dans la cour.
    Moïse enfin parut s’apaiser. Il hésita,
souleva l’enfant jusqu’à ses lèvres :
    — Celui-là, annonça-t-il avec un
hochement de tête, c’est moi qui lui donnerai son nom. Il s’appellera Eliezer,
«  Dieu est mon soutien ».
    Un petit rire roula dans la gorge de
Tsippora, le soulagement se répandit en une ivresse brutale dans tout son
corps. Elle enlaça Moïse et l’enfant Eliezer, tandis que Moïse chuchotait à son
oreille :
    — Tu avais raison. Il me faut
retourner en Égypte. Je l’ai accepté.
    *
    * *
    Le lendemain fut un jour comme personne
encore n’en avait vécu dans la maison de Jethro.
    Tsippora quitta enfin la couche de Moïse.
On lui changea ses nattes et sa tunique, on le rasa et le parfuma et enfin, un
peu avant que le soleil parvienne au zénith, chacun eut le droit de venir
l’écouter.
    Jethro était là, assis dans la chambre
même, sur les coussins qu’il y avait fait transporter. Hobab et Sicheved
étaient à ses côtés, ainsi que Sefoba. Gershom sur les genoux, elle serrait la
main de Tsippora, qui berçait Eliezer. Les autres, les bergers, les servantes,
les jeunes et les vieilles, se pressaient devant la porte, en un groupe si
serré que le jour ne pénétrait plus qu’à peine dans la pièce. La voix de Moïse
n’était pas bien forte, parfois il fallait tendre l’oreille.
    — La flamme a jailli à vingt pas de
moi. Une vraie flamme de feu. Moi, qui n’avais pas de feu depuis celui que
Tsippora avait allumé pour moi sous le sycomore ! Pas de feu et même, à ce
moment-là, plus rien. Plus de troupeaux, plus de lait, plus de dattes. Rien que
mes semelles aux pieds. Mais le feu est là. Ma faim est si grande que je ne
pense en le voyant qu’à ce que je pourrais y faire rôtir. C’est alors que je me
rends compte que les flammes brûlent, mais sans consumer le buisson d’épines
qui est devant. Je dis : Comment est-ce possible ? Je pense :
Ai-je perdu la raison ? Alors je m’approche. Et je vois bien ce que je
vois : les flammes sont des flammes. Mais elles ne brûlent pas le buisson.
Elles sortent de terre, bleues et transparentes, avec un doux grondement.
    Moïse s’interrompit, les yeux baissés. On
n’entendait pas d’autre souffle que le sien. Il releva le visage, passa le
pouce sur sa bouche encore douloureuse. Ses yeux se posèrent sur Tsippora, qui
ne broncha pas. À côté d’elle, Jethro opina. Un petit mouvement de la tête,
encourageant, auquel répondit Moïse.
    — Les flammes étaient des flammes, et
j’ai entendu la voix. « Moïse ! Moïse ! Me voici. N’approche pas
plus loin ! Enlève tes sandales. Cette terre est sacrée !
    Je suis le Dieu de ton père, Je suis le
Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob ! »
    À nouveau Moïse se tut, cette fois en
dévisageant ceux qui lui faisaient face comme si les mots qu’il venait de
prononcer pouvaient déclencher des rires ou des cris. Il n’y eut que le
tremblement de la barbe de Jethro et le claquement de sa paume sur sa cuisse.
Puis une voix de femme vers la porte demanda avec impatience :
    — Et alors, toi, qu’est-ce que tu as
fait ?
    — Je me suis caché les yeux, répondit
Moïse en mimant le geste. Les flammes ne brûlaient pas le buisson, mais elles
me brûlaient les yeux. Ça, oui.
    — Ne l’interrompez pas ! grogna
Jethro.

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