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Tsippora

Tsippora

Titel: Tsippora Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Halter,Marek
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turbans aux pans rabattus sur
leurs visages ne laissaient voir que leurs yeux, et tous tenaient un bâton à la
main. Ils se placèrent devant le troupeau, les bergers sifflèrent, toute la
caravane s’immobilisa.
    Les nouveaux venus écartèrent le bétail et
s’avancèrent jusqu’aux chameaux. Moïse était déjà prêt à sourire. Tsippora
saisit Eliezer, le serra dans ses bras. Elle songea : « Voici enfin
ce frère inconnu. » Elle aussi avait la bouche prête au sourire, au
partage de la joie qui allait étreindre Moïse. Néanmoins, une crainte
inattendue lui fit serrer Eliezer un peu plus fort et rajuster avec soin son
turban de couleur avant de faire agenouiller sa monture.
    Les nouveaux venus s’approchèrent, la
démarche vive et raide, jusqu’au museau du chameau. Moïse enjamba la nacelle.
Tsippora entendit une voix d’homme qui demandait :
    — Es-tu mon frère Moïse ? Es-tu
celui qui nous revient envoyé par le Dieu d’Abraham, Dieu de Jacob et de
Joseph ?
    Et comme Moïse, bouleversé, ne savait
qu’ouvrir les bras et lever son bâton, l’homme ajouta :
    — Car Yhwh, le Dieu des fils d’Israël,
m’a visité pour m’annoncer cette venue.
    L’accent, Tsippora ne le connaissait pas
encore. Mais dans la puissance aisée et autoritaire de la voix, elle devina
l’homme coutumier des mots et de leur force. En comparaison, le ton de Moïse
fut humble, presque inaudible, lorsqu’il balbutia :
    — Oui, oui, bien sûr. C’est moi !
Je suis Moïse. Comme je suis heureux. Il y a des jours… Il y a des jours… Bien
sûr que je suis Moïse !
    Un bref instant ils se regardèrent,
stupéfaits de leurs apparences tout autant que de la réalité de ce qui leur
arrivait. Les bergers et les servantes qui se pressaient autour de Tsippora scrutèrent
les inconnus, cherchèrent les regards entre les plis des turbans. Et les
inconnus les dévisagèrent, hésitant, les mains serrées sur leurs bâtons comme
s’ils devaient encore craindre une menace.
    — Et moi, je suis Aaron !
répondit enfin Aaron.
    Il saisit l’extrémité de son long voile et,
d’un mouvement habile, découvrit son visage. Un visage d’une grande maigreur et
qui en imposait, les paupières et les yeux sombres, sévères, la bouche rouge
sous une barbe éparse. Son front, peut-être, rappelait celui de Moïse bien que,
prématurément creusé de rides, il remontât plus haut dans la chevelure bouclée
et abondante. Un visage où la flamme de la passion devait s’embraser vite, et
qui faisait paraître Aaron plus âgé que Moïse alors qu’il en était le cadet de
plusieurs années.
    Moïse laissa éclater son bonheur,
l’accueillit dans ses bras avec effusion. Les bergers à leur tour poussèrent
des cris de joie. Tsippora, Eliezer reposant sur sa poitrine, poussa Gershom
dans les bras de la servante Murti. Mais avant qu’elles ne parviennent au côté
de Moïse, l’un de ceux qui accompagnaient Aaron s’approcha et dénoua son
turban. Le flot de cheveux noirs, lourds et soyeux, qui s’en écoula,
appartenait à une femme. Une femme qui saisit les mains de Moïse et s’exclama
avec feu :
    — Oh Moïse ! Moïse ! Ce jour
est celui de mon bonheur. Je suis ta sœur Miryam.
    Moïse demeura pétrifié, incapable de
répondre à l’élan d’affection de celle qui lui faisait face. Tsippora découvrit
avec stupeur la raison de son silence.
    Le visage de Miryam était d’une grande et
terrible beauté. Sa bouche était parfaite et pleine. L’arc de ses sourcils se
tendait sur un regard brillant d’émotion et d’intelligence. Le front lisse et
doux, la délicatesse des narines, il n’était pas un trait qui ne soit sans
élégance ou charme et, au contraire d’Aaron, elle qui avait peut-être quinze ou
seize années de plus que Moïse semblait encore dans la jeunesse. Mais il suffit
que le vent soulève sa lourde chevelure pour que se révèle la trace terrible
qui la défigurait. Irrégulière, aux rebords étrangement ourlés et qui, sur la
tempe, s’élargissaient jusqu’à l’œil, comme si la plaie en avait été
martyrisée, une cicatrice épaisse, aux reflets violacés, balafrait tout le côté
du visage.
    — J’ai une sœur, finit par bredouiller
Moïse. Miryam, ma sœur ! Je ne me connaissais pas de sœur.
    Il éclata d’un grand rire, pressa les mains
de Miryam contre ses joues.
    — Il est vrai qu’il y a peu, je ne me
connaissais pas non plus de frère !
    Tsippora, et peut-être

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