Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Un bateau pour l'enfer

Un bateau pour l'enfer

Titel: Un bateau pour l'enfer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Sinoué
Vom Netzwerk:
nota :
    « Goldsmith nous demanda de réunir trois cents noms d’amis et de parents aux États-Unis pour implorer leur aide. On transmettrait la liste au Joint, qui se chargerait de contacter les personnes en question. Goldsmith nous assura que, si nous ne pouvions pas débarquer à La Havane, il travaillerait nuit et jour pour nous trouver un autre port d’accueil. Il termina en affirmant qu’il n’était pas question que nous retournions en Allemagne, et que nous devions bien le faire comprendre aux autres passagers. »
    Revenu dans sa cabine, Max Loewe gardait l’œil rivé sur le hublot à travers lequel il entrevoyait les contours du port. Sur l’insistance de son épouse, il avait accepté de sortir prendre un peu d’air frais sur le pont. Mais, à peine à l’extérieur, il s’était retrouvé devant des militaires.
    Point de doute c’était lui qu’on recherchait. Ces hommes étaient des SS déguisés en soldats cubains. Des membres de la Gestapo. Ils allaient le reconnaître. Vite ! Fuir ! Retourner dans sa cabine et s’y barricader. Si l’un de ces hommes essayait de le rattraper, Max n’hésiterait pas. Il avait pensé à tout. Jamais il n’accepterait de se laisser ramener en Allemagne.
    Tout à coup on frappa à la porte.
    L’avocat se dressa, le visage fou.
    « N’ouvre pas…, chuchota-t-il à son épouse. N’ouvre pas. Je t’en conjure ! »
    Son épouse posa sur lui un regard éploré.
    « Mein Geliebt , ce n’est rien. C’est notre fils, Fritz. Tu te souviens ? Il a quatorze ans aujourd’hui. J’ai commandé un gâteau au cuisinier. J’ai promis que nous fêterions son anniversaire. Regarde… »
    Elle marcha vers la porte.
    « Non ! hurla Max Loewe. Ne fais pas ça ! »
    Élise refusa d’obéir. Elle écarta le battant. Pareil à un animal terrifié, Max se jeta à terre et se roula en boule dans un coin de la cabine.
    « C’est Fritz, regarde ! » protesta Élise, bouleversée.
    Le garçon se tenait sur le seuil, incapable d’avancer. Jamais il n’avait vu son père dans cet état. Des larmes lui montèrent aux yeux. Il réussit à articuler :
    « Papa… »
    Max mit un temps avant de se ressaisir. Prenant soudainement conscience de l’attitude humiliante dans laquelle il se trouvait, il se masqua le visage en suppliant :
    « Ne me regarde pas. Va-t’en… Va-t’en, je t’en prie… »
     
    Vers dix-huit heures, le nombre de vedettes de police qui montaient la garde autour du paquebot avait pratiquement doublé et leurs projecteurs s’étaient mis à balayer lentement les ponts du Saint-Louis.
    Assis sur son lit, Aaron Pozner pouvaient voir les faisceaux ocre glisser sporadiquement le long du hublot.
    Ils lui rappelaient ceux qui, dans la nuit allemande, balayaient le camp de Dachau.
     
    À dix-neuf heures, profitant d’un moment d’absence de sa femme, Max Loewe s’empara de son rasoir à manche qu’il glissa dans la poche de son veston, quitta sa cabine et s’engouffra dans l’ascenseur qui l’emmena vers le pont A . La lumière d’un projecteur le heurta en plein visage ; il recula si violemment qu’il faillit perdre l’équilibre.
    Avisant l’entrée des toilettes, il s’y précipita.
    Là, il retira sa veste qu’il déposa à même le sol, retroussa partiellement la manche gauche de sa chemise et prit le rasoir dans sa poche. Alors, d’un geste d’une extraordinaire violence, il se lacéra les veines. Une fois, deux fois, cinq fois.
    Le sang gicla, lui éclaboussant les mains, le visage et la chemise.
    Il quitta les toilettes et se dirigea vers l’endroit exact d’où l’on avait immergé quelques jours plus tôt la dépouille de Meier Weiler, et d’où Leonid Berg s’était donné la mort.
    Il leva ses yeux vers le ciel crépusculaire, poussa un hurlement et s’élança par-dessus le bastingage.
    Le capitaine Schröder et son second, qui se trouvaient sur la passerelle, entendirent nettement le cri de Max Loewe.
    Les deux hommes échangèrent un coup d’œil interloqué. Nul besoin de s’interroger pour comprendre le sens de ce cri. Sans hésiter, Schröder ordonna le déclenchement des opérations de secours et fonça dans le sillage d’Ostermeyer qui courait déjà sur le pont-promenade.
    L’équipe de quart s’était elle aussi précipitée. Un marin montrait un point dans la mer. Ostermeyer et Schröder se penchèrent. Ils virent Max Loewe qui se démenait dans une mare de sang. Par moments, il tirait

Weitere Kostenlose Bücher