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Un bateau pour l'enfer

Un bateau pour l'enfer

Titel: Un bateau pour l'enfer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Sinoué
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vulgaire bétail ! Mais bon sang ! Ne pouvez-vous pas un instant vous mettre à leur place ?
    — Capitaine…
    — Oui, je sais ! Vous allez me ressortir vos histoires de lois et de décret ! Ne comprenez-vous pas que l’heure n’est plus à ces arguties juridiques ? Des femmes, des enfants risquent de payer de leur vie votre manque d’humanité et votre stupide entêtement ! »
    Le colonel se raidit.
    « Je vous conseille de mesurer votre langage. Nous ne… »
    Schröder reprit son souffle.
    « Très bien. Mais vous ne vous en sortirez pas comme ça. »
    Il scanda :
    « Je vais vous poursuivre en justice. »
    Il désigna le Dr Tamora.
    « L’avocat de la Hapag se chargera du dossier. »
    Le secrétaire eut une expression incrédule.
    « Vous voulez nous poursuivre en justice ? Vous ? Alors que vous savez parfaitement que c’est précisément votre compagnie qui a violé la loi ! »
    Il se dressa en prenant appui sur le bureau.
    « Capitaine Schröder, j’en ai assez entendu. L’ordre du président est clair : vous devez quitter immédiatement La Havane. Et ceci est irrévocable !
    — Impossible !
    — Que voulez-vous dire ?
    — Croyez-vous que l’on déplace un navire avec près d’un millier de passagers comme on déplace une carriole ? Je dois me ravitailler en nourriture. Faire le plein de fuel et d’eau potable !
    — Parfait. De combien de temps avez-vous besoin ?
    — Au moins jusqu’à demain. »
    Maymir quitta la pièce. Il revint quelques minutes plus tard pour annoncer :
    « Le président vous accorde jusqu’à demain dix heures. Pas une minute de plus. »
    « Aucune démarche, devait écrire Schröder dans son journal, aucune prière ne furent entendues. Aucun comité, aucune personnalité américaine influente ne furent capables de faire fléchir le gouvernement cubain. Le président restait inflexible. Je n’ai jamais vraiment compris la raison de tant de rigidité. J’ai pris un avocat. J’ai porté plainte contre les autorités. J’ai dit clairement à mon avocat ce que je pensais de cette attitude en usant de cette métaphore : le gouvernement cubain me fait penser à quelqu’un qui vous invite à dîner et qui, une fois que vous êtes arrivé sur son palier, vous claque la porte au nez. »
    Schröder n’était pas au bout de ses peines. Lorsqu’il regagna le navire, il tomba en plein climat insurrectionnel. Les uns après les autres, les passagers avaient pris connaissance de la note signalant le prochain départ du Saint-Louis et leur désespoir avait éclaté. Cris, bousculades. Protestations. Supplications. Tout se mélangeait dans un brouhaha indescriptible.
    À présent, les policiers se tenaient face à la foule hostile, adossés au bastingage et l’arme au poing, tandis qu’Ostermeyer et le commissaire Müller allaient d’un groupe à l’autre, implorant un retour au calme.
    Schröder se précipita vers le sergent en faction et lui cria :
    « Dites-leur de ranger leurs armes !
    — Vous êtes fou ? Mes hommes vont se faire matraquer !
    — Par des femmes et des enfants, mains nues ? C’est vous qui déraisonnez ! »
    Il réitéra son ordre :
    « Dites-leur de ranger leurs armes ! »
    L’officier eut un moment d’hésitation, puis obtempéra à son corps défendant.
    Schröder se tourna alors vers les passagers et déclara d’une voix plus paisible :
    « Il serait préférable que vous vous dispersiez. »
    Des voix s’élevèrent.
    « Est-il vrai que nous allons appareiller ?
    — Où allons-nous ?
    — L’Amérique a-t-elle accepté de nous recevoir ?
    — Combien de temps encore devons-nous attendre ? »
    Schröder leva les mains en signe d’apaisement.
    « M. Josef Joseph répondra à toutes vos questions. Je vous le promets. »
    Alors que les passagers commençaient à s’éparpiller le long du pont, Dan Singer s’approcha du capitaine et le fixa avec intensité :
    « J’ignore ce que vous savez réellement. J’ignore si notre entrée à Cuba est définitivement compromise. Je ne sais pas s’il existe encore un paradis pour nous, je pressens seulement que l’enfer nous guette et le jour où l’on nous y jettera, c’est vous, vous seul qui en porterez la responsabilité. »
    Bien que la mise en garde fût injustifiée, Schröder ne trouva rien à répondre.
     
    Ce fut une nuit terrible. La salle à manger resta déserte. Et l’orchestre silencieux.
    Les patrouilles

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