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Un bateau pour l'enfer

Un bateau pour l'enfer

Titel: Un bateau pour l'enfer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Sinoué
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monde !
    — Je ne dispose pas de cette somme ! D’ailleurs, qu’est-ce qui me prouve que vous êtes bien missionné par le président Brù ? »
    Benitez leva les yeux vers Bustamente :
    « Dites-lui… »
    L’avocat cubain s’empressa d’expliquer :
    « Je me trouvais tout à l’heure dans les bureaux du quartier général de la police et j’ai vu dans le bureau du major Garcia une lettre manuscrite du président à en-tête du palais, stipulant que le major et le colonel Benitez étaient bien chargés de négocier. C’est pour cela que je me suis empressé de vous joindre. »
    Berenson semblait totalement perdu.
    « Écoutez. Je ne peux pas prendre de décision. Je vais en parler avec les gens de New York. »
    L’avocat haussa les épaules.
    « Comme vous voudrez. Mais je vous préviens : le temps presse. »
     
    Manuel Benitez Jr. vit aujourd’hui à Miami où il est responsable d’une radio cubaine. Interrogé en 1994 sur le rôle tenu par son père, il eut deux réponses contradictoires. Dans la première, il déclara : « Cet argent n’allait pas dans sa poche. C’est le gouvernement cubain qui l’empochait. »
    Et dans la seconde, sans doute sur l’insistance du journaliste qui lui rappelait que, selon de nombreux témoignages, les sommes perçues furent bel et bien détournées par le colonel, il répondit : « Peut-être… Peut-être bien… Je ne suis pas certain. Mais ces gens ont sauvé des vies. »
    Et d’ajouter alors qu’on lui soumettait l’un des permis accordés par son père : « Les riches Juifs américains qui habitaient sur place [à La Havane] ont payé pour faire venir leur famille. Vraiment, cela nous indique qu’un droit d’entrée pour un citoyen ne coûtait pas bien cher pour sauver sa vie. Aujourd’hui, vous devez payer entre vingt mille et trente mille dollars (sic). Cent cinquante dollars, c’est le prix qu’ils devaient payer. »
    Quant à l’attitude de Laredo Brù, il expliqua : « Laredo Brù m’a dit à quel point il me respectait et m’appréciait. Mais il ne pouvait rien faire. Le secrétaire d’État des États-Unis, sur ordre du président Roosevelt, lui avait demandé de ne pas autoriser un Juif de plus à entrer sur le sol cubain. Voilà l’ordre qui avait été donné. Il ne pouvait absolument rien faire. »
    New York Times
Vendredi 2 juin
    CUBA ORDONNE LE DÉPART DES RÉFUGIÉS
Par Ruby Hart Philipps, correspondant à La Havane
    Le président Federico Laredo Brù a signé un décret dans lequel il intime l’ordre à la Hamburg American Line de faire le nécessaire pour que le Saint-Louis appareille sans délai avec ses 917 (sic) réfugiés d’Allemagne. Depuis samedi, ceux-ci sont restés confinés à bord dans l’espoir de pouvoir débarquer à Cuba.
    En cas de refus, Joaquin Ochtorena, le secrétaire au Trésor, fera appel à la marine nationale pour que celle-ci reconduise de force le navire hors des eaux territoriales. Tout marin ayant débarqué illégalement sera arrêté et reconduit sur le bateau. […]
    De nombreux avocats américains et cubains tentent d’obtenir des visas pour différentes îles des Caraïbes dans l’espoir de trouver un havre pour leurs clients.
    Lawrence Berenson, du Comité de secours juif, qui a rencontré hier le président Brù, a déclaré que le chef de l’exécutif avait exprimé sa profonde sympathie pour les réfugiés, mais qu’il avait refusé de leur accorder l’autorisation d’entrer à Cuba.
    Après qu’il eut pris connaissance du décret, Luis Clasing, l’agent de la Hamburg American Line, a, dans un premier temps, menacé de porter l’affaire devant les tribunaux, mais s’est ravisé. […]
    Il semble quasi certain désormais que le Saint-Louis lèvera l’ancre ce matin pour naviguer au-delà de la limite des douze milles (sic) et se placera en attente, dans l’espoir que ses passagers obtiendront l’autorisation de débarquer. […]
    L’avocat Max Loewe, qui a tenté de se suicider en s’ouvrant les veines, se trouve toujours dans un état critique à l’hôpital Calixto-Garcia. Tous les efforts pour permettre à son épouse et à ses enfants de se rendre à son chevet sont restés vains. […]
    Le gouvernement cubain – semble-t-il – serait prêt à autoriser les passagers à entrer à Cuba moyennant une caution de cinq cents dollars par personne. Un montant qui serait remboursé une fois que les réfugiés auraient quitté le pays.

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