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Un bateau pour l'enfer

Un bateau pour l'enfer

Titel: Un bateau pour l'enfer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Sinoué
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américain annonça officiellement qu’il refusait l’accès à son territoire aux passagers du Saint-Louis et ce, malgré le fait que la majorité de ces passages possédaient des visas en bonne et due forme.
    Dimanche 4 juin 1939
    La résidence secondaire du chef de l’exécutif était située dans le quartier de Párraga, à l’ombre de l’église Sainte-Barbe.
    Lawrence Berenson et Antonio Bustamente prirent place dans le somptueux bureau du président où régnait une chaleur suffocante.
    « Alors, señor, commença sans préambule le chef du gouvernement cubain, pensez-vous être en mesure de satisfaire nos exigences ?
    — Nous pourrions sans difficulté tripler la somme. À savoir cent cinquante mille dollars au lieu des cinquante mille initialement prévus.
    — Prévus ? Prévus par qui, señor Berenson ? Si vous voulez parler de la proposition que vous m’avez fait parvenir, alors je vous réponds tout de suite que cette somme de cinquante mille dollars n’a aucun sens. Je me demande sur quelle base vous avez cru utile de me soumettre ce chiffre.
    — Mais le major Garcia…
    — Oubliez le major Garcia ! Écoutez-moi attentivement. Le fait même que j’aie accepté de vous revoir est signe que je ne suis pas aussi indifférent au sort de ces malheureux que d’aucuns se plaisent à le proclamer. Croyez-le. Cependant, il ne sera pas dit que le cœur l’emportera sur la raison. C’est un luxe qu’un chef d’État ne peut se permettre. Alors voilà… »
    Brù se cala dans son fauteuil et poursuivit :
    « Si vous souhaitez que nous trouvions un compromis, alors il vous suffit de vous acquitter de la somme exigée par la loi cubaine, à savoir cinq cents dollars pour toute personne désireuse d’acquérir le statut de réfugié. Vous avez près de mille passagers. Faites le compte. »
    Berenson écarquilla les yeux.
    « Vous voulez dire, un demi-million de dollars ?
    — Oui. Et pas sous forme d’obligations, mais en cash.
    — En cash ? Votre Excellence… »
    Bustamente l’interrompit brusquement.
    « Allons ! señor Berenson. Vous n’allez tout de même pas nous faire croire que pour les gens riches de votre communauté, l’argent est un problème ! Mon ami Horowitz me décrivait tout récemment encore comment vous vous réunissez lors de soirées de charité où un tel lance : “J’offre cinquante mille !” Et tel autre : “Soixante mille !” Qu’est-ce qu’un demi-million de dollars pour vous ?
    — Vous nous surestimez, protesta l’avocat. Les bénéfices récoltés au cours de ces soirées sont utilisés pour venir en aide à l’ ensemble des réfugiés à travers le monde entier. Ce qui représente bien peu de chose par personne.
    — Revenons à notre sujet », dit le président.
    Il fit signe à Bustamente d’approcher et tous deux échangèrent à voix basse quelques mots en espagnol que Berenson eut du mal à saisir, puis Brù s’adressa à nouveau à lui :
    « Alors ? Que décidez-vous ? Si vous avez du mal à rassembler toute la somme, je pourrais éventuellement y contribuer [65] . »
    Déconcerté, Berenson balbutia :
    « C’est très généreux de votre part, Votre Excellence. Laissez-moi le temps d’en parler avec les responsables new-yorkais.
    — Très bien. Prévenez-nous quand vous aurez rédigé votre nouveau projet. Adios, señor Berenson. »
    Il leva l’index en signe de mise en garde.
    « Et n’oubliez pas ! Nous ne voulons pas d’obligations, mais du cash. C’est clair ?
    — Très clair. Et le navire ? Il risque de s’éloigner de plus en plus de Cuba. Dieu seul sait où il se trouve à l’heure qu’il est.
    — Quarante-huit heures ! décréta Brù. En quarante-huit heures, je peux le faire revenir. »
    Ce terme de quarante-huit heures devait par la suite être source de diverses interprétations. Mais dans l’instant, il n’éveilla pas l’attention de Berenson.
    Quelque peu secoué par ces nouvelles exigences, il se précipita à son hôtel pour prévenir le Joint.
    « D’accord pour quatre cent cinquante mille dollars, lui assura Hyman. Néanmoins, et dans la mesure du possible, essayez de ne pas compter les enfants de moins de seize ans.
    — Je ferai pour le mieux », promit Berenson.
    Il alla se servir un double Martini. La nuit risquait d’être longue.
    Vers trois heures du matin, il posa son stylo et relut la nouvelle mouture du projet.
     
SS Saint-Louis
 
Total des

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