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Un bateau pour l'enfer

Un bateau pour l'enfer

Titel: Un bateau pour l'enfer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Sinoué
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des Pins et ce, jusqu’au moment où ils pourront repartir pour une autre destination. C’est ce que le président Brù a déclaré à la presse hier après-midi.
    Il a toutefois précisé que des garanties devaient être fournies afin que ces personnes ne se retrouvent pas à la charge de l’État. Il a fait observer que personne ne pouvait nier que le peuple cubain était un peuple hospitalier, qu’il avait toujours recueilli des réfugiés en dépit des grands sacrifices que cela représentait pour l’emploi des Cubains. Mais cette générosité a donné lieu à d’intolérables abus qui ont conduit à ce que des flots de réfugiés cherchent à se déverser sur le pays au mépris de lois en vigueur. Ces abus font à présent l’objet d’une enquête. […] Le président a ensuite exprimé toute sa sympathie pour les passagers, et ses regrets pour avoir dû s’opposer à leur entrée sur le sol cubain. « La fonction que j’occupe m’oblige à prendre des décisions douloureuses et à faire taire la voix du cœur. »
    M. Lawrence Berenson, l’avocat du Comité de secours juif, nous a déclaré que le Joint avait reçu le soutien de nombreuses personnalités du monde entier. Il a ajouté : « Je suis convaincu que tous se réjouiront de constater que l’hospitalité cubaine et ses traditions humanitaires ne sont pas démenties. »
    Même Aaron Pozner commença à y croire.
    Une salve d’applaudissements accueillit la nouvelle.
    L’orchestre se remit à jouer. Les gens s’embrassaient. D’autres poussaient des cris de joie. L’air s’était tout à coup empli de bonheur.
    Schröder ordonna au timonier Heinz Kritsch de faire route plein sud.
    Dan Singer prit sa femme entre ses bras et la serra de toutes ses forces.
    SAUVÉS ! ILS ÉTAIENT SAUVÉS !

19
    Mardi 6 juin 1939
    DÉBARQUEMENT À L’ÎLE DES PINS NON CONFIRMÉE
    Il était six heures du matin.
    Schröder relut les mots que venait de lui expédier Luis Clasing et dut faire un effort surhumain pour maîtriser les battements de son cœur.
    Quel événement avait pu se produire cette fois ? Était-ce possible ?
    Il convoqua aussitôt le comité des passagers pour leur annoncer la funeste nouvelle.
    « Ce n’est pas vrai, soupira Josef Joseph.
    — Avez-vous demandé confirmation ? interrogea Max Weis.
    — Pas encore. Mais je vais le faire. »
    Ernst Vendig fit remarquer :
    « Le télégramme dit bien “Débarquement non confirmé”. Ce qui ne sous-entend pas qu’il soit définitivement annulé. Dans ce cas, tout ne serait pas perdu. Vous ne croyez pas ? »
    Schröder hocha la tête, soucieux.
    « Je ne sais plus. Je suis perdu, je l’avoue.
    — Pourquoi ne pas écrire directement à M me  Roosevelt par l’intermédiaire de nos épouses ? suggéra Sally Guttmann. Après tout, n’est-elle pas une femme avant d’être la première dame des États-Unis ? »
    Josef Joseph afficha une moue dubitative.
    « Nous avons déjà tenté la démarche auprès de la femme du président Brù. Et nous n’avons eu que le silence en guise de réponse.
    — Qu’avons-nous à perdre ? s’exclama Herbert Manasse. L’Amérique n’est pas Cuba. Je suis certain que M me  Roosevelt ne pourra pas rester insensible à un tel appel. »
    Schröder trancha.
    « Je suis de l’avis de M. Manasse. Et comme il vient de le souligner, vous n’avez rien à perdre. Rédigez le texte et faites-le signer par toutes les femmes qui sont à bord.
    — D’accord, acquiesça Joseph. Et dans l’immédiat, que comptez-vous faire ? Demi-tour ?
    — Je vais conserver notre trajectoire, sans tenir compte du télégramme. Mais nous diminuerons notre vitesse. »
     
    « Quarante-huit heures ! »
    Tels avaient été les mots prononcés par Brù lors de son rendez-vous avec Berenson. Si l’on interprétait la phrase comme un ultimatum, celui-ci aurait dû expirer le mardi midi.
    Nous étions mardi. Il n’était pas loin de onze heures. Et Berenson attendait dans le bureau de Bustamente, les yeux rivés sur le cadran de l’horloge qui ornait l’un des murs.
    À treize heures, le téléphone sonna. Bustamente décrocha.
    C’était le major Garcia.
    « Señor Bustamente ?
    — Je vous écoute, major.
    — Je dois me rendre immédiatement au camp Columbia pour rencontrer le colonel Batista. Je vous contacterai à mon retour. »
    L’avocat cubain n’eut pas le temps de répliquer. L’autre avait raccroché.
    « Qu’est-ce que

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