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Un collier pour le diable

Un collier pour le diable

Titel: Un collier pour le diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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grande discrétion, je dirais même… dans le plus grand secret afin de ne pas offenser ceux qui ont la charge habituelle de sa santé.
    — Ses maux ? Le prince n’a pas trente ans…
    — L’âge ne fait rien à la chose. Il mange et boit beaucoup trop. Imaginez que Son Altesse consomme, chaque jour, environ dix bouteilles de vin vieux. En outre, bien qu’il adore les chevaux et possède dans ses écuries quelques-uns des plus beaux pur-sang d’Europe, le prince ne prend aucun exercice, contrairement au Roi qui mange presque autant mais boit beaucoup moins et est sauvé par la chasse quotidienne. Chez Monsieur, voyez-vous, les misères qui découlent de cet état de choses sont multiples. Il souffre d’accès de goutte, de varices, de pénibles coliques hépatiques et d’érysipèle. Or, je possède certains élixirs qui lui sont parfois d’un grand secours. Le seul qu’il cherche, car lorsque je parle de régime il refuse de m’écouter.
    — Je vois ! Et… le prince est malade ces jours-ci ?
    — Assez souffrant en tout cas. Ce tantôt je l’ai trouvé aux prises avec une cruelle crise au foie que j’ai eu le bonheur de soulager.
    Cette fois Gilles sut que ce Cagliostro était en train de lui mentir et que les relations « médicales » qu’il entretenait avec le prince cachaient sans doute autre chose car l’homme qui était venu tout à l’heure chez Boehmer était peut-être trop gros et trop rouge mais il ne donnait aucun signe de souffrance côté du foie, ni d’aucun autre côté d’ailleurs.
    — Voilà tout le mystère, soupira le médecin en se penchant en avant pour mieux mirer l’éclat du feu à travers son verre de champagne. Et je bénis le sentiment que vous inspire cette charmante Mademoiselle de Latour puisque c’est à lui que je dois votre heureuse intervention, tout à l’heure. Mais… si vous êtes depuis peu à Paris, quand donc l’avez-vous rencontrée ? Elle sort très peu…
    L’esprit de Gilles vagabondait autour de l’énigme que lui posait ce curieux personnage. Il n’était plus sur ses gardes et ce fut assez distraitement qu’il répondit :
    — Oh ! Il y a bien longtemps que j’ai rencontré Judith pour la première fois…
    Il se rendit compte de sa sottise quand la voix de son hôte s’enfla.
    — Judith ?… Mademoiselle de Latour ne s’appelle-t-elle pas Julie ?
    Les yeux étincelants du médecin s’attachèrent, impérieux, à la figure, brusquement rougie, du chevalier qui sourit, s’efforçant de lutter assez maladroitement contre la gêne qu’il éprouvait.
    — Ai-je dit Judith ? La langue m’aura fourché.
    — Non. La langue ne vous a pas fourché. Vous avez dit Judith en pleine connaissance de cause, parce que, en effet, vous la connaissez depuis longtemps… très longtemps même ! Sans doute en savez-vous, sur elle, beaucoup plus long que moi !
    Le ton aimable et bon enfant du médecin avait changé. Une vague menace s’y faisait sentir et Gilles eut la brusque sensation que l’apparence souriante, le charme de cet homme cachait quelque chose d’infiniment plus redoutable. En même temps une crainte lui vint : sa parole imprudente n’avait-elle pas fait naître un danger autour de celle qu’il aimait ?… Le regard de Cagliostro devenait proprement insoutenable…
    Le tintement de la cloche extérieure éloignée de toute la largeur de la cour l’en débarrassa et le dispensa de répondre. Le médecin avait tressailli et se détournait de lui, sourcils froncés.
    — Qui peut venir ici à cette heure ? murmura-t-il entre ses dents.
    Le gigantesque concierge entra presque aussitôt et vint dire quelques paroles à l’oreille de son maître qui eut un haut-le-corps puis, se précipitant vers Gilles, le saisit par le bras pour l’entraîner au fond de la pièce où se voyait une petite porte, non sans rafler au passage un chandelier allumé.
    — Vite ! entrez ici et ne vous montrez pas !… Un visiteur inattendu ! Ce ne sera pas long.
    — Je n’ai aucune envie de vous déranger, protesta Tournemine. D’ailleurs je ne devais pas rester longtemps. Dites à votre domestique de m’amener mon cheval et je vous laisse…
    — Il n’en est pas question ! Nous avons encore à parler. Vous êtes décidément un personnage beaucoup plus intéressant que je ne l’imaginais…
    — Mais enfin, Monsieur…
    La protestation était vaine. D’une main devenue soudain aussi dure que le fer Cagliostro avait

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