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Un collier pour le diable

Un collier pour le diable

Titel: Un collier pour le diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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Afrique, et d’hommes importants en Amérique veulent bien se compter au nombre de mes amis… ou de mes obligés !
    — Pardonnez-moi !… Mon Dieu ! Mais je vous ai dérangé affreusement !
    Le regard du prince s’était posé sur la petite table où demeuraient deux verres encore à demi pleins et des reliefs de pâté dans les assiettes.
    — Votre Éminence ne me dérange jamais, fit Cagliostro froidement. Sa visite est toujours une joie pour moi ou mes amis…
    — Les amis que je mets en fuite n’est-ce pas ? Tenez, mon cher, pardonnez-moi doublement… triplement même si cet ami est… une femme ? ajouta-t-il en baissant la voix sur le dernier mot.
    Cagliostro s’inclina sans répondre et Gilles n’entendit plus rien car les deux interlocuteurs s’étaient mis à chuchoter mais il put voir le cardinal quitter la pièce peu après en donnant au médecin, dont il serra la main plusieurs fois avec effusion, tous les signes de la plus chaude amitié.
    Pour ne pas être pris en flagrant délit d’espionnage, Gilles se détourna enfin de la porte et alla s’asseoir dans l’un des deux fauteuils qui, avec la table où était posé le chandelier, meublaient seuls une pièce qu’il n’avait pas pris le temps de regarder attentivement et dont l’aspect le surprit.
    C’était un endroit plutôt funèbre. Les murs, tendus de noir, portaient, découpées en cuivre, des figures étranges qui semblaient toutes graviter autour de deux épées croisées. Noir aussi était le velours qui habillait les fauteuils et la table mais, à mieux considérer ce dernier meuble, Gilles s’aperçut que des objets bizarres y étaient disposés suivant une certaine symétrie : une rose, une croix, un triangle et une très petite tête de mort, le tout ciselé dans l’argent et avec une grande finesse d’exécution. Au centre, le chandelier était posé devant un miroir qui en reflétait la lumière et en doublait l’éclat.
    Machinalement, le jeune homme se laissa tomber dans l’un des fauteuils, les yeux fixés sur la flamme qui lui parut tout à coup augmenter d’intensité avec de brefs éclairs réguliers dus au fait que le miroir, inexplicablement, s’était mis à tourner sur lui-même.
    Cagliostro était sans doute occupé à raccompagner son visiteur jusqu’à sa voiture. Le silence était profond, feutré. Il agissait insidieusement sur les nerfs à vif de Gilles avec une intense force d’apaisement. Son regard s’était attaché invinciblement au foyer lumineux mais, la fatigue aidant, ses paupières s’appesantissaient d’instant en instant.
    Conscient tout à coup d’être en train de s’endormir il tenta de se secouer, de réagir ; mais plus il s’en défendait, plus sa lassitude semblait s’accroître tandis que devenait irrésistible la tentation de céder au sommeil. C’était comme si deux mains, à la fois douces et fortes, pesaient sur ses épaules pour le maintenir dans ce fauteuil dont il avait de moins en moins envie de sortir.
    Quelque part, dans les profondeurs insondables de son inconscient, il lui sembla qu’une voix murmurait avec une impérieuse douceur, une voix qui lui ordonnait de dormir, de dormir, de dormir… Le miroir continuait sa lente rotation et Gilles ne pouvait plus échapper à sa fascination. Il n’entendit pas, il ne vit pas l’Italien s’approcher lentement, lentement, derrière le fauteuil les mains étendues devant lui comme pour une conjuration. L’univers bascula pour lui tandis qu’il plongeait dans l’abîme moelleux d’un sommeil plein de songes…
    Les paysages et les sensations d’autrefois remontèrent tout à coup des profondeurs de sa mémoire. Il retrouva ces personnages qu’il avait été au cours de sa brève existence. Il fut de nouveau Gilles Goëlo, le petit paysan aux pieds nus des landes de Kervignac, le bâtard mal aimé de Marie-Jeanne, l’élève à la fois nonchalant et révolté du collège Saint-Yves de Vannes, l’amoureux ébloui et plein de rancœur de l’insolente Judith de Saint-Mélaine, le futur prêtre en rupture de séminaire qui, pour courir plus vite vers son destin, avait volé un cheval. Puis le secrétaire de Rochambeau, le petit soldat émerveillé de Royal Deux-Ponts, l’officier d’ordonnance de La Fayette, de George Washington, le coureur des bois compagnon de Tim Thocker, le prisonnier des Iroquois, l’amant passionné de Sitapanoki, la princesse indienne, le combattant glorieux de Yorktown,

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