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Un collier pour le diable

Un collier pour le diable

Titel: Un collier pour le diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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Judith eut un sursaut si violent qu’il ressemblait à un réveil brutal et presque à un spasme.
    — Non !…
    Elle se dérobait, s’échappait des bras qui la retenaient, courait à ses vêtements dont elle se revêtait avec une hâte maladroite cependant que blessé, frustré et déjà malheureux de voir s’interrompre sur un « couac » sa brûlante symphonie, Gilles la regardait sans comprendre, incapable même d’un reproche et ne trouvant qu’un seul mot :
    — Pourquoi ?…
    Tout en achevant d’édifier autour de sa beauté le fragile rempart de mousseline et de rubans, elle le regarda à travers la retombée brillante de ses cheveux dénoués.
    — Parce que !…
    Mais comme ce maître mot de la mauvaise foi féminine lui semblait tout de même un peu court, et qu’il ne s’en contenterait sans doute pas, elle ajouta presque à regret :
    — Parce que je ne peux pas. Je n’ai pas le droit…
    — Pas le droit ? Mais c’est insensé ? Mon Dieu ! Tu n’es pas…
    Il ne put aller au bout de sa phrase mais elle traduisait tant de crainte et de chagrin que Judith, avec un cri, revint se blottir dans ses bras.
    — Non ! Non !… Ni mariée, ni fiancée, ni promise à qui que ce soit, pas même à Dieu ! Simplement, il me faut rester fille… pour le moment tout au moins ! Je l’ai promis… Je t’aime mais je ne dois pas !
    — Quelle sottise ! Mais je t’aime, moi, je ne veux plus me séparer de toi, je veux t’épouser demain… tout de suite ! J’en ai le droit, tu sais ? Demain je demanderai la permission du Roi, au maréchal de Castries, mon chef de corps, et tu deviendras ma femme…
    Avec une joie orgueilleuse il vit les grands yeux de la jeune fille s’emplir d’admiration.
    — Au Roi ?… Au maréchal de Castries ? Mais qu’es-tu donc devenu ?
    — Officier des Gardes du Corps, Compagnie Écossaise, Madame ! Et j’ai maintenant un nom à t’offrir, un nom digne de toi : celui que m’a rendu mon père, Pierre de Tournemine, mourant sur le champ de bataille de Yorktown. Tu m’avais donné trois ans, souviens-toi, pour te mériter. Je n’en ai employé que la moitié. Mais lorsque je suis revenu te chercher tu n’étais plus là !…
    Elle se serra plus étroitement contre lui, nicha sa tête encore humide contre son épaule.
    — Raconte ! soupira-t-elle. Depuis que j’ai quitté mon couvent d’Hennebont, je ne sais plus rien de toi !
    Apaisé par cette confiance, cette tendresse, il retraça de son mieux ce qu’avait été sa vie depuis le soir où il l’avait quittée devant la porterie de Notre-Dame-de-la-Joie, au bord du Blavet, où elle voulait vivre les trois ans d’attente qu’elle leur avait imposés à tous deux tandis qu’il s’en allait chercher un nom et la gloire de l’autre côté du grand océan.
    Il ne réussissait toujours pas à comprendre comment Judith pouvait se trouver là, dans ses bras, sur son cœur, alors qu’il faisait fouiller pour la revoir tous les couvents de Bretagne et de Guyenne, mais son âme bretonne, nourrie de légendes, avait été, de tout temps, ouverte au surnaturel, aux miracles et il avait en Dieu qui peut tout, même l’impossible, une foi inébranlable. Et surtout, il ne voulait pas ternir, par des questions, la beauté fragile d’une minute si longtemps attendue. Le temps viendrait des explications…
     
    Son récit, à vrai dire, lui posa bien quelques problèmes car au fil de l’histoire Gilles se retrouva parfois en face d’épisodes qu’il fallait bien sauter. Il était parfaitement impossible en effet de lui parler de Sitapanoki et de toutes celles qui l’avaient si bien aidé à supporter les rigueurs de l’absence et les exigences de sa jeunesse…
    Enfin, quand vint le moment d’effleurer le drame de Trécesson il marqua une hésitation. Sa bien-aimée savait-elle qu’il avait tué son frère aîné et que le cadet n’avait échappé que de justesse à son impitoyable justice ? Comment, sans réveiller chez elle l’épouvantable souvenir de la fosse dans la forêt, évoquer ce qu’il avait appris, par une nuit terrible, au relais de Ploërmel ? Mais presque inconsciemment elle lui facilita les choses en demandant timidement :
    — Est-ce que Monsieur de Talhouët a pu te faire tenir ma lettre ?
    — Bien sûr, et elle ne m’a jamais quitté, pas plus que ton souvenir, ajouta-t-il en caressant des lèvres les beaux cheveux de soie couleur de cuivre

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