Un collier pour le diable
la maintenait de l’extérieur.
Furieux, il alla chercher l’une des bougies pour examiner la rainure et aperçut en travers une tige de ferraille, un loquet sans doute. Restait à savoir comment il s’ouvrait…
Alors, reprenant la dernière de ses limes qui était aussi la plus longue, il la fit glisser doucement dans l’étroite fente, juste sous la tige, et souleva. Ce n’était pas facile car il avait peu de prise mais la tige bougea légèrement. Ce devait être un loquet à clapet que l’on soulève pour le libérer de sa gâche. Une fois, deux fois… la tige cependant assez mince résistait. Le visage en sueur et le front appuyé contre le vantail de bois, Gilles jura superbement. Cela lui calma les nerfs et lui permit de réunir de nouvelles forces.
Enfin, il y eut un déclic et la porte, tout doucement, tout gentiment, sans le plus petit grincement, s’ouvrit comme d’elle-même… La liberté redevenait possible…
Plein de joie, Gilles alla se laver les mains, rafraîchit son visage en sueur puis, après avoir vidé d’un coup le fond de sa bouteille de Chambertin, entreprit de quitter sa prison.
Il s’aperçut de deux choses : d’abord la chambre formait le fond d’une galerie déserte et vide à l’exception de banquettes couvertes de tapisserie disposées dans les embrasures des grandes fenêtres arrondies, par lesquelles il aperçut un vaste paysage de bois limitant un parc à la française, orné de quelques statues, et ensuite le jour déclinait. Le soleil était couché. La campagne prenait, sous le ciel mauve, les nuances de bleu profond qui annonçaient la nuit.
Sur la pointe de ses pieds chaussés de courtes bottes à revers, Gilles alla jusqu’au bout de la galerie qui devait être située au second étage d’un château. Ce fut pour y trouver un nouvel obstacle : une autre porte, encore plus solide que celle de la chambre, la fermait impitoyablement. Mais cette fois, il ne s’attarda pas à chercher un moyen d’ouvrir. La nuit tombait, le temps commençait à presser car Anne pouvait revenir d’un moment à l’autre. Il restait les fenêtres et il faudrait bien en passer par là…
La première qu’il attaqua s’ouvrit sans difficulté mais, en se penchant au-dehors, Gilles s’aperçut que sa situation ne s’était guère améliorée car, non seulement il se trouvait bien au second étage, très élevé, d’un château, mais encore le pied dudit château plongeait dans une douve qui, pour être à sec, ne semblait pas plus rassurante. Pourtant, il fallait descendre à tout prix.
En examinant mieux la situation, il s’aperçut qu’une solution pouvait s’offrir à un garçon aussi souple et aussi agile que lui : un balcon prolongeait la fenêtre qui se trouvait juste sous la sienne. S’il pouvait s’y laisser glisser, ce serait une bonne étape sur le chemin du sol.
Retournant dans la chambre qu’il avait quittée, il se pendit aux longs rideaux de velours qui garnissaient les fenêtres, et réussit à en arracher deux. Les traînant après lui, il retourna à la fenêtre, laissa glisser l’un d’eux, avec d’infinies précautions, jusque sur le balcon et attacha le second à l’appui de la fenêtre, après l’avoir ouvert partiellement en deux. Puis, priant Dieu pour que leur vétusté ne les ait pas rendus trop fragiles, il enjamba ledit appui, empoigna fermement le tissu poussiéreux qui résista honorablement et, à la force des poignets, descendit le long de cette corde improvisée qui l’amena sans secousse sur le balcon du dessous. Il n’eut plus qu’à recommencer la même opération pour arriver jusqu’à la hauteur du rez-de-chaussée mais cette fois, ses pieds ne trouvèrent aucun appui car il s’en fallait encore de beaucoup qu’il fût au fond de la douve et cette douve était entièrement maçonnée. S’il se recevait mal, il avait une bonne chance de se casser quelque chose.
Mais il n’avait pas le choix. Confiant dans son expérience de coureur des bois qui lui avait inculqué depuis longtemps l’art de tomber sans accident, il descendit jusqu’à la limite extrême de son rideau pour bénéficier au maximum de sa taille, ouvrit les mains, se laissa tomber et atterrit sans mal sur ses jarrets. Mais le fond de la douve ne marquait pas le fond de ses peines : à présent il fallait remonter de l’autre côté, ce qui équivalait à escalader un mur terminé par un rebord en surplomb. Cette fois, il allait falloir se
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