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Un collier pour le diable

Un collier pour le diable

Titel: Un collier pour le diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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ne pouvait plus détacher ses yeux de la forme imprécise flottant au fil de l’eau. Jamais, autant qu’à cette seconde, il n’avait éprouvé, aussi déchirants, la faim de l’absence, le sentiment de frustration de l’être amputé d’une part de son corps et que cette part absente torture pour un souffle d’air frais ou le souvenir d’une joie disparue.
    Et puis, soudain, dans un clapotis léger, la baigneuse, lassée du bain sans doute, vint au bord de l’étang, se hissa sur la margelle et se releva tournant le dos au spectateur passionné dont elle n’imaginait pas la présence et qui la dévorait des yeux tandis que, d’un geste plein de grâce, elle tordait sa longue chevelure avant de la rejeter sur son dos où elle descendit plus bas que les reins.
    La silhouette de cette femme était idéalement fine et longue. Elle avait l’air, dans la lumière froide de la lune qui caressait la rondeur délicate de son épaule, d’une déesse d’argent. La colonne mince et flexible du cou supportait une tête petite dont Gilles n’apercevait qu’un profil perdu sans comprendre pourquoi son cœur, tout à coup, s’était mis à battre la chamade.
    Elle resta là un moment, laissant les rayons bleutés couler sur son corps comme elle l’eût fait en face du soleil. Puis, comme à regret, elle se détourna lentement. Gilles la vit de profil, puis de face tandis que de son pas dansant elle revenait vers lui… Alors toutes les étoiles du ciel explosèrent en même temps dans sa poitrine quand il comprit que le miracle existait, que le temps était revenu, que tout recommençait…
    Lentement, comme s’il craignait que chacun de ses pas ne fît évanouir le rêve, il quitta l’abri du socle, l’ombre des grands arbres et s’avança dans la lumière sans même s’apercevoir qu’il tendait les bras.
    — Judith ! murmura-t-il pour lui-même, si bas qu’il crut être seul à s’entendre. Ma sirène… ma déesse de la mer… Judith de mes rêves et de mes désespoirs…
    Un instant, il eut peur que le mirage ne s’évanouît. Elle s’était arrêtée en l’apercevant avec le double et naturel geste de ses bras pour cacher ses seins et sa plus tendre intimité mais ce ne fut qu’une très brève seconde. Les bras retombèrent et, aussi naturellement qu’un enfant perdu va vers son refuge naturel, Judith, le visage illuminé d’une joie presque surnaturelle, alla vers Gilles d’un pas si léger qu’elle semblait flotter sur l’herbe.
    Quand elle fut près de lui, elle toucha ses épaules, ses bras qui n’osaient pas se refermer, sa tête comme si elle n’arrivait pas à croire à sa réalité. Ses petites mains étaient froides et tremblantes.
    — Toi !… C’est bien toi ! soupira-t-elle. Je t’ai tellement appelé sans que tu me répondes que je ne croyais plus te revoir jamais…
    Il voulut parler mais aucun son ne franchit l’étau serré de sa gorge. La chaleur de ce corps, si proche du sien que les tendres seins effleuraient sa poitrine, l’embrasa mais ses muscles semblaient lui refuser tout à coup leur service tandis que son cerveau, au bord d’une joie trop forte, luttait contre l’incohérence… Alors, avec un petit soupir agacé, elle se haussa sur la pointe des pieds, noua ses bras derrière le cou de Gilles.
    — Embrasse-moi ! ordonna-t-elle tandis que sa bouche fraîche allait au-devant des lèvres du jeune homme, s’y collait en un baiser dont l’ardeur fit fondre son étrange paralysie.
    Toute sa passion déchaînée, toute sa retenue envolée, il l’étreignit avec une ardeur sauvage, l’enlevant de terre pour mieux la serrer contre lui, pour la joie de sentir son poids et de mieux s’assurer ainsi de sa réalité.
    Ils roulèrent ensemble sur l’herbe, comme si la vie qui leur avait enfin permis de se rejoindre ne leur permettait plus de se désunir, comme s’ils ne devaient plus se séparer jamais. Ils se chuchotaient des mots tendres, absurdes et un peu fous, développant à l’infini le thème éternel des amants longtemps séparés, la toute petite phrase magique par laquelle Adam avait, au fond des âges, fait surgir l’humanité de sa double chair.
    — Je t’aime…
    Ils avaient tout oublié du lieu, de l’heure, de ce qui n’était pas leur joie partagée mais quand, de baisers en caresses, Gilles, affolé par le parfum de ce corps merveilleux et doux qui semblait si près de s’ouvrir pour lui, tenta de le faire totalement sien,

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