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Un Dimanche à La Piscine à Kigali

Un Dimanche à La Piscine à Kigali

Titel: Un Dimanche à La Piscine à Kigali Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gil Courtemanche
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beauté, sa totale disponibilité ou sa vigueur (elle insistait pour dire qu’elle était une bonne baiseuse), tout cela ne leur suffisait pas. Ils ne se contentaient pas de son corps qu’elle donnait sans réserve, sinon celle de la tradition, et de toutes ses caresses qu’elle avait appris à raffiner et à adapter aux goûts variés des Blancs, non, il fallait en plus, pour le même prix, qu’elle les admire et les aime, qu’elle les transforme de clients en héros, en surhommes, et surtout en hommes amoureusement désirés. Ils lui expliquaient qu’une fille intelligente comme elle (tiens ! ils ne disaient jamais « femme », même si elle avait près de trente ans), qu’une fille aussi belle pourrait refaire sa vie avec un peu d’aide. Bernadette, qui était stérile, rêvait de posséder une boutique de vêtements pour enfants et avait demandé à l’un de ses premiers clients riches de lui prêter une petite somme. L’Allemand rubicond et bedonnant s’était presque étouffé dans son rire lourd et gras. Il ne parlait pas de ce genre d’aide que, de toute manière, elle dilapiderait, elle qui ne connaissait rien aux affaires, mais plutôt de recommandation, de parrainage ou d’emplois à sa mesure, comme femme de ménage à l’ambassade ou bonne dans une famille de coopérants, et peut-être, plus tard, une recommandation pour un visa. D’autres, encore plus impatients de lui arracher son amour comme un trophée, poussaient plus loin le viol de l’âme. Après les colifichets, une petite robe de coton qui valait moins que le prix de la baise, à quelques occasions seulement des fleurs, deux fois moins chères que la robe mais qui témoignaient d’un grand sentiment et peut-être même d’un engagement. Elle en trouverait bien un, même laid et chauve, adipeux et trempant dans sa sueur de cadavre, qui la sortirait de là et l’emmènerait en Belgique ou en Australie, au Canada ou en Italie. N’importe où.
    À ce comptable français gentil et timide, qui en quelques jours seulement était passé des bas nylon au bouquet d’iris, du discours sur son intelligence à la vie qu’elle saurait se refaire avec son aide, s’il le pouvait, et enfin à la joie qu’il aurait de passer beaucoup de temps avec elle, à ce gentil monsieur qui mettait le réveil pour rentrer à sa chambre avant quatre heures du matin elle avait proposé d’aller passer le week-end dans le parc de la Kagera pour admirer les girafes, les lions et les zèbres en liberté. Les petits membres maigres de l’homme avaient raidi, son sourire béat de mâle ayant tout juste éjaculé devint sourire de diplomate ou de comptable maintenu aux commissures par des trombones. « Je ne pourrais jamais expliquer mon absence à l’ambassade. » Le plus affamé d’amour, poursuivit-elle, fut un homme d’affaires libanais qui contrôlait quelques commerces dans la région de Ruhengeri et qui venait chaque lundi pour ses affaires à Kigali. Il passa, en quatre lundis, directement des caresses aux déclarations d’amour intempestives. Pas un cadeau, pas une fleur, rien. Mais il ne pouvait, se rendait-il compte, vivre sans elle. Il n’avait pas fait l’amour à sa femme depuis qu’il la connaissait. Et Bernadette l’aimait bien, en tout cas assez pour se marier deux fois. Il la faisait rire constamment, la caressait comme elle imaginait qu’on le faisait en Europe où se situait le Liban. Il passait la nuit avec elle, l’entourant de ses bras, la noyant sous son énorme torse poilu et, ô suprême consécration, le mardi matin, prenait le petit-déjeuner avec elle en public sur la grande terrasse, poussant l’audace et la franchise jusqu’à lui effleurer la main entre deux bouchées de bacon. Voilà un véritable amoureux. Le cinquième mardi matin, elle quitta Kigali avec lui. Pour commencer, elle serait bonne et s’occuperait des enfants, elle aurait sa propre chambre dans la maison principale. Il ne fallait pas précipiter les choses. Sa femme était officiellement propriétaire d’une partie importante de ses compagnies, mais dans quelques mois, avec ses avocats, il réussirait à modifier la situation. Elle comprenait, lui serrait la main. Il lui souriait. Quand ils arrivèrent au carrefour de Base, les trois grands volcans dominés par le Muhabura apparurent à l’horizon, arborant chacun sa couronne de nuages laiteux que le soleil rosissait. Elle pourrait enfin visiter le parc national des Volcans, voir, toucher

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