Un Dimanche à La Piscine à Kigali
presque ces célèbres gorilles qu’elle n’avait vus qu’en photos. La Mercedes du Libanais filait comme sur un tapis sur la route que les Chinois avaient financée pour que le président puisse rentrer en tout confort dans sa région natale. Bernadette souriait. Ce devait être ça, le bonheur.
Un cousin du Liban, malheureusement, occupait sa chambre. Elle dormit dans une ancienne porcherie transformée en dortoir pour les domestiques. La femme de son amoureux, femme énorme et flétrie dont le rimmel et le khôl coulaient perpétuellement sur sa peau huileuse, la terrorisait sans arrêt. Sélim, après une semaine, avait oublié les paroles douces. Il ne la caressait plus, la prenait en quelques minutes, là où il la croisait dans la maison ou dans le jardin, sans même un baiser ou une caresse pour ses seins. Il lui avait demandé de ne jamais porter de slip, pour que tout se passe plus rapidement au cas où sa femme ne serait pas loin. Quand Mourad, le fils de vingt ans, la réveilla pour lui dire que son père voulait lui parler, elle se leva sans mot dire. Dans le chemin boueux qui menait au jardin, le jeune garçon qui marchait derrière elle la poussa dans l’argile rouge. « Mon père ne veut plus de toi. Il te donne à moi. » Il s’était couché sur elle et la tenait fermement par les poignets. « Si tu résistes, je te tue. On trouve tellement de cadavres le long des routes au petit matin que personne ne posera de questions, sale putain ! » Il avait raison et elle ne voulait pas souffrir. Lentement, elle écarta les jambes et voulut se tourner sur le dos. Ce ne serait pas son premier viol. Une main enfonça sa tête dans la boue qui emplit sa bouche lorsqu’elle l’ouvrit toute grande pour hurler de douleur. Un sexe dur la transperçait dans ce lieu sale et secret qui était interdit. Ce fut comme si d’un seul coup de couteau on avait sectionné ses muscles. Ce sexe violait la dernière partie de son corps qui lui appartînt encore. Sale, peut-être, impure, interdite, comme disait la tradition, mais intacte. Un jour, un homme qu’elle aimerait lui demanderait peut-être de lui livrer ce lieu secret, et elle le ferait avec joie. Maintenant, elle ne pouvait plus rien offrir de pur. Bernadette s’endormit enfin au bout de ses larmes, dans un fossé le long de la route chinoise. Au matin, elle marcha quelques centaines de mètres, mais la douleur la paralysait. Elle s’assit sur une grosse pierre et, pensa-t-elle, attendit la mort. Car elle ne bougerait pas de cette pierre, à moins qu’on ne vienne la prendre. Un camion s’arrêta et un jeune homme lui fit signe de monter. Il portait la casquette des milices et dansait sur son siège en écoutant une cassette de Michael Jackson. « Tu rentres au bon moment à Kigali. À temps pour le grand jour. J’ai un camion plein d’outils pour faire le travail, la corvée. Dans quelques semaines, les Batutsis ne nous empêcheront plus de vivre. » La main du camionneur se posa sur sa cuisse. Encore une fois, elle savait qu’elle était piégée, qu’il ne servait à rien de résister. Si elle disait non, il la battrait ou, pire encore, la laisserait le long de la route, et un autre camionneur viendrait, ou un militaire.
« Tu me veux par-devant ou par-derrière ? » Il freina avec tellement de violence que le camion dérapa sur plusieurs mètres avant de s’arrêter presque à flanc de montagne. « T’es une pute de Blanc, toi, pour parler comme ça. Tu vas pas me passer dans ton cul des maladies de Blancs, comme le sida et toutes les autres. Je suis un Rwandais, moi, un vrai. On fait pas des choses comme ça. » Puis, il s’installa sur elle, son mégot aux lèvres. Cela ne dura que quelques petites minutes. Bernadette ferma les yeux, soulagée de ne pas avoir souffert davantage, et dormit jusqu’à Kigali.
Depuis son retour à l’hôtel, toutes les filles la jalousaient. Bien sûr, elle était belle, avec ses gros seins fermes et ses cuisses solides et rondes comme des colonnes. Le premier soir, un Italien de la Banque mondiale, découragé par les effets des politiques de son organisme, dansait la tarentelle au bar du quatrième. Il chantait horriblement faux, une bouteille de whisky à la main. Il avait trébuché et s’était écrasé en riant aux pieds de Bernadette qui reniflait encore sa peine. « Vous faites quoi dans la vie ? » lança l’Italien hilare. Elle répondit en passant sa main dans ses cheveux
Weitere Kostenlose Bücher