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Un Jour De Colère

Un Jour De Colère

Titel: Un Jour De Colère Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arturo Pérez-Reverte
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Vélez, le boulanger Antonio Maseda, le bourrelier Manuel Remón
Lázaro et Francisco Calderón, cinquante ans, mendiant attitré sur les marches
de San Felipe.
    — Dites donc, les amis, ils
font quoi, les militaires ? Ils sortent pour nous aider, oui ou non ?
    — S’ils sortent ?… Y a
qu’à regarder. Ici, les seuls qui sont sortis, ce sont les gabachos  !
    — Pourtant, sur la place de la
Cebada, je viens de croiser des Gardes wallonnes…
    — Des déserteurs, sûrement… Et
qui seront fusillés s’ils se font prendre ou quand ils rentreront à la caserne.
    C’est finalement une force
importante qui se rassemble dans cet angle de la Plaza Mayor et qui, même mal
organisée et plus mal armée encore, impose le respect aux Français venant de la
porte de Guadalajara et les oblige à se retirer sur les Conseils. Enhardis, des
prisonniers s’aventurent sous les arcades et agressent les retardataires dans
des combats confus à l’arme blanche, baïonnettes contre navajas, entre la rue
de la Platería et la place San Miguel. Ce va-et-vient, qui dégage une partie de
la Calle Mayor, permet de transporter des blessés dans la pharmacie de don
Maríano Pérez Sandino, rue Santiago, que son propriétaire garde ouverte depuis
le début des combats. Parmi ceux qui sont soignés là figure Manuel Calvo del
Maestre, employé aux archives du ministère de la Guerre et vétéran de la
campagne du Roussillon, dont une balle a arraché une joue. Peu de temps après
arrivent le bourrelier Remón, qui a perdu tous les doigts d’une main, tranchés
net par un sabre, et le valet de l’ambassade française Tomás Güervo, qui hurle
de douleur en tenant ses tripes à deux mains. Comme le dit le prisonnier
Francisco Xavier Cayón qui amène le blessé : il ressemble à un cheval de
picador encorné par un taureau.
    — Halte au feu ! Ne
gaspillons pas les cartouches !
    À plat ventre au coin des rues San
José et San Bernardo, au bout du mur de clôture de Monteleón, les hommes du
groupe de José Fernández Villamil chargent leurs fusils et tirent, rendus
sourds par les détonations, les yeux irrités par la fumée de la poudre. Ils
sont sortis du verger de Las Maravillas de leur propre initiative, avant le
temps fixé, et tiraillent à l’aveuglette en gaspillant leurs munitions. Les
Français qui arrivaient à proximité du parc – vingt hommes et un officier qui
voulaient pénétrer dans l’enceinte – ont disparu depuis longtemps au bas de la
rue, chassés par les tirs, à l’exception de deux corps immobiles qui gisent sur
la chaussée, près du couvent, et d’un blessé qui rampe vers la fontaine de
Matalobos. L’hôtelier de la place Matute finit par obtenir de ses hommes qu’ils
cessent de tirer. Ils se relèvent, déconcertés. Dans la confusion de la
première fusillade, ils sont tous sortis dans la rue en contrevenant aux ordres
exprès du capitaine Velarde, qui étaient de rester cachés dans le verger du
couvent. En réalité, l’escarmouche, dont le feu a été intense, n’a pas duré
plus d’une minute ; mais les tirs se sont prolongés un moment, et sans
objet, à cause de l’ardeur des volontaires que seuls les avertissements des
soldats de la caserne ont empêchés de se lancer dans la rue San Bernardo à la
poursuite des Français en fuite.
    — Ils courent comme des
lapins !
    — Nos bons souvenirs à
Napoléon, les mosiús  !
    — Les lâches !… On leur a
flanqué la pâtée !
    Les portes du parc s’entrouvrent et
le capitaine Daoiz, visage fermé, sort et se dirige à grandes enjambées vers Fernández
Villamil et ses gens. Il est tête nue et, malgré les épaulettes de sa veste
bleue, le sabre et les hautes bottes, sa petite taille n’en imposerait guère,
s’il n’y avait l’autorité qui se dégage de son air décidé et du regard furibond
qu’il darde sur les civils.
    — Ne vous avisez plus de
désobéir à mes ordres !… Vous m’entendez ?… Ou vous vous soumettez à
la discipline militaire, ou vous rentrez tous chez vous !
    L’hôtelier proteste faiblement,
approuvé par ses hommes. Ils voulaient juste aider, argumente-t-il.
    — Les Français, le coupe Daoiz,
le capitaine Goicoechea et ses Volontaires de l’État s’en sont chargés, et très
bien. Ici, chacun a sa mission. La vôtre est de rester dans le verger, comme
vous l’a dit le capitaine Velarde, jusqu’à ce que sortent les canons.
    — Mais puisqu’on les a fait
détaler ! Ils ne

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