Un jour, je serai Roi
contenir, l’obligeant à se rendre dans son bureau pour mettre fin au désordre qui réjouissait les élèves, habitués à la placidité légendaire de Passe-Muraille .
— Calmez-vous !
Marolles n’écoutait pas le préfet de discipline.
— Au moins, asseyez-vous.
Lui le fit dans l’espoir d’être imité.
— C’était le diable en personne…
— Mais enfin, de quoi parlez-vous ?
— Delaforge… Hier, il est venu me menacer…
Calmés vira au gris. Ce qu’il craignait s’était produit. Les démons qui hantaient ce garçon avaient pris le dessus.
— Il faut agir, le trouver, l’arrêter ! C’est à vous de le faire, pour qu’il rende compte des exactions commises sur l’un de vos élèves !
— Pour cela, dites-moi où le trouver.
— Je n’en ai aucune idée, reconnut Marolles en s’asseyant.
— Bien, soupira Calmés. L’affaire se complique…
Il pensait évidemment l’inverse.
Depuis l’incendie, Passe-Muraille n’avait fait qu’une apparition chez le maçon. L’épisode du feu semblait étrange, mais le bilan s’annonçait prometteur : l’apprenti progressait, apprenait, était discipliné. Nicolas Pontgallet ne parlait plus de mettre fin à sa formation au bout de trois mois. Pas de nouvelles, bonnes nouvelles, racontait-on. Au nom de cet adage, le jésuite de Montcler avait opté pour la discrétion, si bien qu’il ignorait la transformation physique de Delaforge. Il restait sur l’idée que plus le temps passait, plus l’espoir d’une conversion grandissait. Et voilà tout remis en question.
— Peut-être voulait-il renouer avec vous ? tenta-t-il sans trop y croire.
— Allons ! Même arrogance, même air de me défier…
— N’avez-vous rien trouvé de changé chez lui ?
— C’était le même qu’il y a quatre ans !
Calmés nota que Marolles ne parlait pas du bras manquant.
— Aucun détail ne vous a frappé ? insista-t-il sans se découvrir.
— C’est un homme, maintenant. Voilà tout.
— En somme, vous l’avez vu de loin.
— À vingt pas !
À cette distance, il était impossible de ne pas voir la manche flottant dans le vide. Quelque chose clochait. Mais bien sûr, il ne dit rien.
— Il ne vous a pas parlé ?
— Dans l’église, en plein sermon ! Voyez-vous ça ?
— Donc, il ne vous a pas menacé…
— Je le connais assez pour savoir qu’il venait dans ce dessein.
Calmés se contentant d’afficher une moue dubitative, Marolles comprit que ses arguments manquaient de poids : — Il n’en demeure pas moins qu’il est toujours accusé du crime contre cet élève de Montcler… Comment s’appelle-t-il ?
— Une histoire ancienne, rompit le préfet de discipline sans livrer de nom. D’ailleurs, à l’époque il s’en est sorti…
— Eh quoi ! s’emporta le visiteur. Les faits sont là !
— Et on pourrait en discuter jusqu’au Jugement dernier, cingla le préfet de discipline. L’enquête a démontré que ce pensionnaire brutal n’était pas innocent. Le Supérieur a lui-même décidé de son renvoi, concluant que les torts étaient partagés.
— Enfin… Il a été jeté par la fenêtre !
— Aucun témoin ne l’a assuré. Depuis, tous se sont éparpillés.
— Il reste la victime.
— Disparue, d’après ce qu’on m’en a dit, au cours d’un règlement de comptes prouvant, si nécessaire, que ce garçon n’était pas une blanche colombe.
— Ainsi, balbutia Marolles. Ainsi…
— Voyons plutôt ce qu’il en est du présent. Aussi, j’insiste et le demande à nouveau : avez-vous été pris à partie ?
— Non, murmura à regret Joseph de Marolles.
— A-t-il saisi je ne sais qui par le col de sa veste ?
— Calmés, ne jouez pas à l’idiot ! Vous savez comme moi que sa présence n’avait rien de gratuit.
— Ne voulait-il pas simplement faire la paix avec son parrain ?
Marolles se tut. Il était impossible de raconter qu’il avait cédé au chantage quatre ans auparavant en se séparant d’une bourse trop bien remplie.
— L’affaire est peut-être plus simple que votre imagination ne l’a conçue.
— Je dispose de témoins. Je soutiens que ce garçon est venu faire le mal, essaya le confesseur du marquis de La Place une dernière fois.
— Attendons encore. Voyons s’il s’entête. D’ailleurs, nous ne disposons pas d’autres moyens pour lui mettre la main dessus.
— Et je serai la chèvre attachée au poteau chargée d’attirer le loup !
— Pourquoi croyez-vous que Toussaint
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