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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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particulière. Il y a un avant et un après – un déclic. C’est à partir de ce jour de novembre 1658 que tout bascule, tout s’active, tout devient clair. Précédemment, il ne se sentait pas maître de sa vie. De Montcler aux arènes de Lutèce, il y avait toujours quelqu’un, Marolles, Calmés ou Raymond de la Montagne, pour lui dicter ce qu’il devait faire, si bien que ses fautes – tuer, voler, mentir – auraient été celles de la jeunesse. À la façon du solitaire qui n’a que lui pour juger ses actes, cet homme de vingt-cinq ans ne cède pas au repentir. Il se compare au jeune chien fou qui mord dès qu’il sent le collier sur son cou. Il fut celui-là, mea culpa , il ne l’est plus. Non que résister lui déplaise, mais l’insurrection, même pour une cause juste, serait l’arme du faible. Réussir exige de posséder un esprit retors, tout le contraire d’une nature impulsive. Dont acte. Ce qui est fait est fait.
    Il regarde son bras mort et regrette de ne pas avoir compris plus tôt les règles présidant le monde. À quoi bon ruminer ? Ses erreurs sont le prix de l’apprentissage. Le sien s’est arrêté chez Pontgallet. Ce temps fut à la fois la fin d’une époque et le commencement d’une autre qu’il appelle sa Fortuna . Si les événements se sont ensuite enchaînés à son avantage, c’est parce qu’il est l’addition d’êtres différents – l’orphelin, le pensionnaire, le lutteur – dont il a endossé un temps les habits pour mieux s’en défaire. Qui a connu autant de vies à son âge ? Qui a progressé aussi vite ? Qui oserait prétendre que sa maîtresse n’est pas l’une des dix plus belles femmes de Paris ? Qui n’envierait ce manchot qui la fait trembler de désir ? Delaforge aime se comparer aux puissants qu’il manipule, trompe, corrompt. Bientôt, il sera leur égal, et ce n’est pas la seule raison qui le pousse à agir. Il se venge aussi de ces existences antérieures, du mal qu’elles lui ont fait. Et c’est tout le paradoxe de ce personnage : chercher à s’aimer et se détester autant.
    Ce jour d’avril 1663, il quitte Versailles. Il rentre sur Paris. Le voici seul, un fait devenu rare, une belle occasion de passer en revue, en secret, ses réussites comme l’avare comptant et recomptant son or à l’abri des regards. Il cherche à quand remonte sa rencontre avec Le Vau, le premier architecte du roi. Au printemps ou au début de l’été 1659 ? Quelques mois, se souvient-il, avant ses derniers jours chez Nicolas Pontgallet.
    En revoyant ces moments jalonnés d’événements qui ont failli gâcher son ascension, la colère qui revient parfois et qu’il cherche à dominer assombrit son humeur. Il ne faut pas. Chaque fois qu’il s’emporte, il commet des fautes. Mais bougre, le cocher de Le Vau ne fait rien pour l’adoucir. Il braille et fait entendre le fouet pour réveiller ses bêtes. Le carrosse grince, gémit, le dos cogne contre la banquette, la poussière pénètre par la fenêtre et menace la veste jasmin du passager. Fracas, charivari, secousses !
    — Bourdine ! Arrêtez ce tumulte. J’ai besoin de réfléchir.
    Il cogne le toit en se servant de sa main en bois. La réponse ne tarde guère. On passe au trot, puis au pas…
    — Voilà qui est mieux, grommelle-t-il en se calant dans le fond de la banquette recouverte de velours rouge.
    Il lui reste une heure avant de retrouver Le Vau chez lui, dans sa belle maison bâtie au coin de la rue de la Croix-Blanche et de celle des Juifs 1 . Il y soupera. La table est bonne. Ils discuteront affaires, et ce rendez-vous capital pourrait bien le rendre riche. Ensuite, il retrouvera sa maîtresse qui fera semblant de se venger de son absence d’un jour en lui infligeant ses supplices dissolus. Un programme aussi bien rempli exige qu’il s’y prépare en se reposant et le meilleur moyen est de plonger dans ce passé dont il est fier. Où en était-il ? Ah oui ! Ce vieux Pontgallet.

    L’affaire avait débuté dès son retour dans le nid du maçon. Delaforge n’avait eu que la nuit pour repenser et jouir de son effet au couvent des Annonciades célestes. Le lendemain, un Calmés enragé s’était présenté au domicile des Pontgallet. Son état s’expliquait par une entrevue très matinale avec Joseph de Marolles. Le confesseur du marquis de La Place avait en effet déboulé au collège de Montcler, réclamant un entretien immédiat avec le Supérieur. Calmés avait eu un mal fou à le

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