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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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trouvait distant. Préparait-il un départ plus définitif afin de se consacrer uniquement aux tâches que lui confiait Le Vau ? C’était peut-être ce qu’il annoncerait ce soir, et cette petite trahison lui retournait le sang.
    — Si je t’ai blessé, pardonne-moi, Toussaint, chercha à l’apaiser Pontgallet.
    La mine d’en face restait renfrognée. Ce garçon est triste, pensa le brave homme. Comme au premier temps, quand il était arrivé, débraillé et manchot, le regard éteint et méfiant. Croyant le soulager, il changea de sujet : — Crénom ! Je cherche mon fils depuis ce matin…
    — Jean, ah oui ! murmura Delaforge, désormais sur ses gardes.
    — Il m’a parlé d’un rendez-vous sur un air de secret.
    — Savez-vous avec qui ?
    Le père secoua la tête :
    — Il en faisait tout un mystère. Il m’a simplement prévenu qu’il me retrouverait ensuite. Mais peut-être est-il à l’atelier ?
    — Je vous laisse l’attendre. Ce soir, il nous en apprendra plus.
    — Oui, ce soir, répéta le bâtisseur. Ne viens pas trop tard…

    Delaforge avait passé l’après-midi à réfléchir, sans regretter ce qui s’était produit. Lui seul comptait et, dans l’immédiat, que risquait-il ? Il tournait la question, ne voyait que des avantages. La mort de Jean bouleverserait la vie des Pontgallet. Chagrin, enterrement, deuil. Suivraient des jours et des jours emplis de silences et de tourments. Il faudrait du temps pour surmonter l’épreuve. L’entreprise passerait au second plan. La famille y abandonnerait un autre morceau d’elle-même. Avant que le maçon ne se préoccupe des fournisseurs, l’eau coulerait sous les ponts. Si tout se passait bien, le criminel pouvait même s’en trouver grandi. On lui demanderait de l’aide puisque le courage manquerait. Pardi ! Un fils – l’héritier de surcroît –, ce n’était pas rien. Delaforge s’interdisait de penser au-delà, mais un jour, l’affaire tomberait peut-être comme un fruit mûr.
    Dans ce tableau, il y avait aussi Marguerite, une femme sensible qui s’effondrerait, ce qui n’atteignait nullement le meurtrier de son fils. Anne ? Elle ne comptait pas. Delaforge s’imaginait des choses, l’avenir tournait à son avantage. À condition qu’on ne le soupçonne pas… Allons, se rassurait-il, il n’y a ni témoin ni indice. Il repassait froidement la scène, analysait ses gestes. Il n’avait rien laissé dans l’atelier. Mais il restait la chemise couverte de sang cachée dans la chambre. Une erreur ? Un acte mûrement réfléchi au contraire. Qu’aurait-il fait s’il avait croisé Marguerite avec ce linge souillé et trop encombrant pour le glisser sous sa veste ? Il y avait pensé. Sa décision était bonne. D’ailleurs, pourquoi paniquer ? Personne ne montait dans les combles, personne ne fouillait. Et ce soir, il la récupérerait.

    Il arriva en nage, son faux bras pesait lourd, les liens de cuir martyrisaient sa chair. Il fallait prendre un air de circonstance, celui du travailleur honnête, fatigué par sa journée. Il entra sans frapper, car il agissait toujours ainsi. Dans la pièce qui servait de cuisine et de salle à manger, il ne trouva personne. Crevant d’envie de se rendre dans la cour, il s’interdit de jeter un coup d’œil. Il allait appeler, cherchant le ton juste, innocent et gai, quand il entendit des chuchotements où se mêlaient des pleurs. Ces bruits indiscernables venaient de l’escalier. Il avança. Des voisins, des amis, les maçons Bergeron et Mazière s’y serraient. En le voyant, ils se turent. Il prit un air inquiet tandis que ses yeux interrogeaient ce silence. Qui ? Pourquoi ? Une main se posa sur son épaule : — Mon pauvre Toussaint…
    C’était Madame Camus, une voisine du quartier.
    Sans demander plus, il força le barrage qui bouchait l’entrée de la chambre du couple Pontgallet. Marguerite était à genoux, Anne se tenait debout, juste derrière. Les pauvresses retenaient leurs larmes et se tordaient les mains en regardant le lit. Mais dedans, pas de Jean. On y voyait le maçon, yeux clos, visage gris, et s’il n’était pas mort, il vivait ses derniers instants.
    Delaforge fit un pas en arrière et chercha Madame Camus.
    — Que s’est-il passé ?
    — Jean s’est brisé le cou. Il est tombé dans l’atelier.
    On ne parlait pas de crime. Sa crainte s’évanouit.
    — Et Monsieur Pontgallet ? dit-il en faisant trembler sa voix.
    — Il n’a pas supporté le choc. En

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