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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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Petit-Jean ne bouge pas. Il attend, la goutte au nez, au bord de la route de Paris où passera le roi. Mais il fait froid et la faim le tenaille.
    — Tu sais, s’adoucit sa mère, c’est jamais certain qu’il vienne. Et si tu ne le vois pas ce coup-ci, il sera là demain ou un autre jour.
    En rageant, l’enfant capitule. Il rentre s’abriter. L’odeur de la cuisine aiguise son appétit. Il fait deux pas vers le fourneau. Il a le dos tourné quand le tambour gronde. Un vacarme étourdissant. Le temps de bondir, le roi est passé.
    — Tu le verras au retour.
    Et Petit-Jean pleurniche.

    Le mercredi 12 septembre 1663, Louis XIV ne s’arrête pas au château. Il se rend directement à sa Ménagerie, située au sud-ouest du parc. Le lieu le passionne. C’est ici qu’il tiendra réunion avec Jérôme Blouin, le premier valet et intendant de Versailles. Le sujet à l’ordre du jour est l’agrandissement du domaine. Un arrêt du Conseil d’État du 1 er septembre 1662 a désigné les experts arpenteurs chargés de toiser et d’estimer les maisons et les terres qui seront bientôt expropriées. Sans cesse, on repousse les limites du domaine. Où s’arrêtera-t-il ? Le roi seul le sait. Jérôme Blouin parle des progrès obtenus. Cent hectares de plus. Louis XIV en exige deux cents, dans le moment où il dit. Blouin s’efface. Le Vau s’approche.
    — Accompagnez-nous, monsieur le premier architecte. Nous avons bien des choses à vous demander…
    Toussaint Delaforge se trouve derrière, à vingt pas. Il suit de loin et n’en revient pas. Qui était-il deux ans plus tôt ?
    La construction de la Ménagerie n’est pas encore achevée. Le plus gros est fait – une tour octogonale surmontée d’un toit rond, qui permet d’observer les espèces réparties dans des enclos. On monte à l’étage et, depuis un balcon, on observe le petit royaume animal de Sa Majesté. Quand tout ceci sera-t-il terminé ? La question brûle le regard du roi. Le Vau est dans ses petits souliers. Pourtant, il y a déjà de quoi réjouir un monarque exigeant. En faisant le tour de la pièce, on aperçoit les gazelles, dans un autre espace le chenil et, plus loin, sur la gauche, une volière immense bruissant de mille cris et brillant d’autant de couleurs. Un poulailler, quelque peu incongru, complète le tableau. L’odeur est forte, mais Louis XIV ne semble pas indisposé. Son regard se déplace vers l’est. Une équipe s’active à la construction des prochaines cours où seront accueillies des espèces moins avenantes et plus sauvages. Loups, ours, renards ; ce ne sera pas suffisant ; Louis XIV déclare qu’il veut ajouter des bêtes insolites et baroques. Blouin prend note. Il fera la demande aux émissaires du roi envoyés dans les contrées d’Asie. Il a entendu parler d’étranges curiosités à bosses qui ne boivent jamais.
    Pourtant, l’eau, ce n’est pas ce qui manque ici, songe Le Vau in petto . La construction des ailes qui agrandissent le château de Louis XIII a ainsi failli tourner au désastre. Le jour, on creusait les fondations, on étayait l’argile trempée de boue noirâtre puant le moisi. Au matin, tout était effondré. Ces fondations, l’architecte en rêvait la nuit. Dix hommes sont morts, d’autres furent blessés gravement. Crânes fendus, os brisés, yeux éborgnés. Il a fallu pester auprès de Colbert pour obtenir le versement d’une pension – trente livres pour un cadavre – aux épouses et aux mères endeuillées. Dans l’eau maudite de ces lieux germent toutes sortes de maladies qui enfièvrent les misérables. Le Vau doit parler au roi des conditions dans lesquelles les forçats du chantier tentent de survivre. Versailles en réclame toujours plus et les derniers arrivants dorment sous des tentes de fortune qui ne protègent ni du froid ni de la pluie. On grogne, râle, peste. La révolte, ce n’est bon pour personne.
    Mais le roi, ce matin, a d’autres idées et une scène l’amuse. Dans l’enclos des chiens, un jeune mâle décide de s’attaquer au chef de la meute. La Ménagerie est aussi conçue pour ce genre de spectacle. Le prétendant montre les crocs. Il a tort. Il devait attaquer. D’un bond, l’ancien est sur son dos, griffes dehors, il le saisit au cou et ne le lâchera plus. En bas, deux aides séparent les bêtes à coups de piques. Le novice saigne, il s’écarte en boitant et va lécher sa plaie. Il s’en sortira.
    Bien qu’à l’écart, Delaforge

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