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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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quittèrent ainsi. Antoine la regarda partir, ému par sa silhouette fine et l’énergie qui s’en dégageait.
    Mi-février, Marguerite abandonna Paris, semble-t-il pour toujours, après avoir vendu la maison de la rue de la Mortellerie, construite par son mari, dix-huit mille livres, soit en dessous de sa valeur, mais le temps manquait et il fallait financer le projet. Elle y laissa ses souvenirs, bons et mauvais. Les meubles attendraient, en dépôt chez Bergeron. Et pour ce nouveau départ, elle refusa de s’encombrer. Trois grosses malles… et une chemise ensanglantée, voilà à quoi se limitait le fardeau.

    Dès les premiers jours, la folie s’empare de l’entreprise. Léon s’active pour organiser les tâches, répartir les hommes. Dix recrues, anciens de Bergeron, iront à la Ménagerie, vingt autres au château où il faut finir de poser les pavés de l’avant-cour. Léon court partout, rentre à la nuit, repart avant l’aube. Le Faillon dirige le terrassement de l’allée où sera dressé le théâtre des fêtes de mai et se plaint de manquer de bras. Léon a écrit dans son pays du Limousin, en appelle aux cousins, aux neveux, aux amis, et promet du travail à tous. Mais où logeront-ils ? Marguerite est à l’entrepôt où elle reçoit les matériaux et les outils qui arrivent de Paris et bientôt de Caen, du Havre, de Compiègne. Un matin, il faut plus de pierres, un autre, on réclame des bêches, des pioches, des pics, des brouettes, on décide de les fabriquer sur place, même le paysan Dubec s’y met. Au soir, la veuve apprend que trois tombereaux servant à charrier la terre ont été brisés. Léon fonce sur Paris, fait l’aller et le retour dans la nuit, en trouve par tous les moyens. En deux mois, six mille livres, le tiers de la vente de la maison de la rue de la Mortellerie, sont englouties dans l’affaire. La nuit, Marguerite, qui n’avait pas imaginé toutes ces difficultés, se laisse enfin aller : elle pleure dans son lit. Nicolas lui manque. Lui, il saurait comment faire, d’autant qu’elle doit affronter un nouveau souci : les rustres se présentant à l’embauche rechignent à travailler pour une femme qui, à les écouter marmonner, n’aurait sa place qu’aux fourneaux.
    Un soir, Léon écrit une nouvelle lettre aux Limousins. Il faut trente hommes de plus, il en demande le double. Hélas ! aucun ne vient. Avril est entamé. Le retard s’accumule. Bergeron ne leur pardonnera pas, pense Marguerite. Mais au matin, elle se ressaisit et s’accroche. Léon est solide comme un roc et on ne déplore ni mort ni blessé grave parmi les ouvriers. En descendant dans la cuisine, elle s’oblige à sourire à Amandine qui, aujourd’hui encore, ne verra guère sa maman. Par chance, les Dubec se montrent de vrais amis. Jeanne se charge des tâches ménagères et Nathan prétend qu’il n’a pas mieux à faire que d’emmener la petite nourrir les poules et ramasser les œufs. Après, il s’assoit à la porte et surveille l’enfant en attendant le retour des siens, exténués et gagnés par le découragement.
    Le lundi 21 avril 1664, il faut se rendre à l’évidence. Les délais ne seront pas tenus et, pour ne pas détruire la réputation d’Antoine Bergeron, Marguerite décide de l’informer. Elle se rendra à Paris, le jour même. Léon baisse la tête. Il partage cet avis. Sans bras, sans hommes, ils ont perdu. On en discute encore, le cœur gros, quand Le Faillon entre comme un beau diable chez les Dubec. Il sourit, ce qui est rare, et se jette sur Marguerite qu’il embrasse, ce qui ne s’est jamais produit. Il se tourne vers Léon :
    — Tu en voulais combien ?
    — De quoi parles-tu ? lui répond le mari d’Anne.
    — Tes costauds du Limousin ! Ils sont là.
    — Que racontes-tu ?
    — Douze ! Forts comme cinquante. Ils piaffent d’impatience…
    — Bon Dieu ! grogne Léon en se précipitant dehors.

    Tout va mieux depuis l’arrivée du secours limousin. Léon les connaît, et eux le respectent. Fin avril, le retard s’estompe, le rythme s’installe, chacun trouve sa place. En travaillant le dimanche, le théâtre en plein air sera fixé le 4 mai, dix jours avant l’ouverture des fêtes des Plaisirs de l’Isle enchantée . Molière et Lully pourront répéter, Vigarani le décorera et Bergeron sera satisfait.
    Mais il reste un dernier sujet d’inquiétude. Où loger le surplus d’hommes, d’autant que trente autres sont annoncés ? L’entreprise n’a

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