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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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insupportable. Mais elle, qu’en pense-t-elle ? La réponse vient aussitôt. Elle sourit, ose un pas, et lui se retourne. Ils se font face. Plus rien, pas même un miroir, ne les sépare, et c’est Aurore qui prend sa main, l’ouvre doucement, écarte ses doigts, les glisse entre les siens, chauds et doux. Aurore s’enhardit, cherche l’autre poignet. Brusquement, Toussaint se dégage, poings serrés.
    — Que caches-tu dans ta paume ? souffle-t-elle.
    Il l’ouvre à regret. Dedans s’y trouve le dernier pétale fané de la rose qu’elle lui offrit pour son départ.
    — Te souviens-tu ? glisse-t-il aussi bas.
    Ses yeux se ferment pour dire oui. Mais quand elle les rouvre, un voile de tristesse s’y est glissé :
    — Moi, je ne t’ai jamais oublié. Je t’ai écrit…
    — Vingt-quatre fois, la coupe-t-il.
    Son joli minois se plisse d’agacement.
    — Ne commence pas à m’interrompre !
    Et Toussaint croit la revoir lorsqu’elle avait sept ans et s’énervait.
    Reprennent-ils là où ils s’étaient arrêtés, comme si rien ne les avait séparés ? Chamailleries, petits cris d’animaux… Et on signera la paix. Oui, se peut-il que tout soit resté comme avant ?
    — Tu as grandi, dit la jeune fille, changeant ainsi brusquement de sujet, et toujours selon sa façon, ses méthodes qui étourdissaient le garçon.
    Elle s’éloigne un peu, mais c’est pour mieux le détailler, sans vraiment s’arrêter sur ce faciès qu’il déteste.
    — Serais-tu devenu un jeune homme ?
    Elle revient à ses côtés, l’oblige à se tourner, fait de même et se colle à son dos.
    — Je t’arrive là, décide-t-elle en posant la main sur son épaule.
    Ses mains sont fines, les attaches gracieuses. Mais sa caresse prend déjà fin. Elle s’écarte, fait un demi-tour sur les talons, et les plis de sa robe s’envolent.
    — As-tu appris à danser ?
    Toussaint est pétrifié de peur. Il ne sait comment s’y prendre pour qu’elle s’approche encore.
    — Tes lettres… commence-t-il.
    La voilà qui boude. Une mèche cuivrée tombe sur le front. La frimousse grimace, le nez se plisse, donnant vie à quelques tâches de rousseur. Le charme y gagne encore. Le sait-elle ? Est-elle volage ou vulnérable ? Toussaint s’attarde sur ce corps sensuel, fait de fragilité et de douceur.
    — N’as-tu pas d’autres sujets plus drôles que celui de vouloir te faire pardonner ton inqualifiable mépris ? jette Aurore en croisant les bras au-dessous de la poitrine.
    Le sang du jeune homme bat dans ses veines.
    — Je t’ai tenu au courant de chaque instant de vie, continue-t-elle, et combien…, hésite-t-elle, tu m’as manqué. Alors, maintenant, à toi ! Je veux tout entendre.
    Quoi de plus légitime ? Aurore voudrait tant renouer avec le passé. Mais que Toussaint se méfie. La jeune fille n’est pas comme lui. En le découvrant, elle a hésité. Pour tout dire, ce n’est plus tout à fait celui auquel elle songeait en écrivant ses lettres. Peut-être n’a-t-elle même jamais imaginé que le petit homme pouvait grandir ? Il est vrai que les ans, les jours, les heures furent légères pour elle. Fugaces et souvent futiles. Ce n’est pas ce physique qui la gêne ou lui déplaît. Il lui semble même qu’elle le trouve – elle cherche le mot – attirant, et que cette cicatrice ajoute du mystère. Il est si différent des fats et des oisifs qui tournent autour d’elle, jurent de l’aimer et font des ronds de jambes à son marquis de père dans l’espoir d’obtenir, un jour, la main qui se refuse et la dot qui se montrera avec ! Oui, qu’il parle, afin qu’elle comprenne ce que ce jeune homme a de commun avec le garçon qu’elle a connu et dont le souvenir a été si idéalisé qu’elle supplie le ciel de ne pas accueillir un étranger n’ayant jamais répondu à ses appels. Qu’ai-je fait ? devrait-il répondre. Rien d’autre que penser à elle, ou encore qu’il est toujours le même, plus fort, plus courageux, peut-être, et qu’elle se rassure si elle peine à le reconnaître. Entre eux, tout est semblable.
    Pourquoi ne lui avoue-t-il pas qu’il se servait du silence pour arrêter le temps, le réduire à néant, à une simple parenthèse ? Non, il n’a pas écrit. Qu’aurait-il raconté ? Les sévices, les privations, quand elle parlait du bonheur ? Qu’au fil des lignes qu’elle lui adressait, il la voyait grandir, devenir femme. Qu’ainsi, il ne l’a jamais perdue de vue . Il pourrait

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