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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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pièce de Mezzalira n’a pas menti. Celui qui se dresse à nouveau n’est plus le lutteur des arènes. Pourtant, il tente encore de prendre appui sur ce bras qui était là et qui… Non ! Il roule sur le côté, ses lèvres qu’aimait Eva touchent terre, boivent la poussière, les larmes s’y mêlent. Il veut disparaître, mourir. Marie, pourquoi n’es-tu pas là ?
    — Dieu t’a peut-être puni ainsi, glisse le jésuite calmement.
    — Il m’a conduit en enfer ! gémit l’ancien collégien.
    — Accepterais-tu que je t’aide à revoir le jour ?
    Calmés pose la main sur les cheveux de Toussaint. Sa vie est un sacerdoce. Et il est dit qu’il n’y aura jamais les élus d’un côté, et les maudits de l’autre. Tous vont sur le même chemin et jusqu’au dernier souffle, anges ou démons, cherchent la liberté.
    1 - Autre personnage de la commedia dell’arte . C’est un homme de l’art en matière de friponnerie…

    2 - Expression de la tauromachie. Deux toréadors combattent six taureaux à la fois. Parfois, le toréador est seul.

Quatrième Partie
    La Gloire ou la mort

Chapitre 19
    L A CHAMBRE RESTE PLONGÉE dans la pénombre, les lourds rideaux doublés de soie sont tirés. Quelqu’un d’invisible vient de ranimer les douze bougies des quatre candélabres encadrant de part et d’autre un baldaquin. La lumière prodiguée est douce, dorée – juste ce qu’il faut pour ne pas troubler le sommeil du malade qui occupe un grand lit installé sous le dais. En passant dans le couloir qui dessert cette pièce, on marche sur la pointe des pieds. Si l’on doit tourner la poignée de la porte, on use de lenteur, on se montre prudent, priant l’huisserie de ne pas grincer. Il s’agit de ne pas réveiller celui qui reçut le 8 juillet 1658 l’extrême-onction, tant on le croyait perdu, et que le Dieu Sauveur secourut en interrompant un évanouissement continu auquel se mêlait un flot d’humeurs sombres et morbides.
    À n’en pas douter, le retournement qui fit rouvrir les yeux de ce jeune homme est prodigieux. À la mi-juillet, le miraculé – on en parle ainsi – revient de l’enfer. Il mange avec moins de retenue, boit son vin, mais le coupe encore d’eau, sourit de plus en plus nettement, surtout quand Marie Mancini lui rend visite. La grâce siège chez la demoiselle habillée ce matin d’une robe rouge et noire, calculée pour mettre en valeur le galbe de sa taille. Elle ne frappe pas, de peur de déplaire au convalescent, entre à toute heure pour y être autorisée, puis patiente, penchée sur le visage qu’elle idolâtre et désire, espérant que les yeux de son élu se dessillent. Parfois il ne dort pas, mais il fait semblant, soupire, grommelle, gémit afin qu’elle s’approche encore et se penche sur lui jusqu’à ce que sa chevelure brune caresse sa joue. La main de l’adorée s’attarde sur ce front divin et royal tandis que lui l’attire et baise l’orée de sa gorge, submergé par le désir et l’envie. Louis XIV revit et personne, pas même Mazarin, n’oserait le déranger quand il se trouve ainsi.
    Louis Dieudonné, roi de France, aime Marie Mancini, la nièce du cardinal – lui-même parrain du roi. Et ce depuis qu’une étrange maladie empoisonna son sang à la bataille des Dunes où il vainquit son cousin, Condé, allié à l’Espagnol. Marie fut de ceux qui ne le quittèrent pas, espérèrent sans retenue sa guérison tandis que d’autres, courtisans assemblés autour du duc d’Orléans, agiotaient sur la succession 1 . Quand le vrai roi sortit de son embarras, il s’adressa à sa nourrice, Pierrette Dufour, qui était restée sans relâche auprès de lui, comme toujours depuis sa plus tendre enfance :
    — Dis-moi qui a cru à ma mort ?
    La liste fut longue.
    — Dis-moi qui l’a sincèrement pleurée ?
    — Marie, et plus que nulle autre, répondit Pierrette sans hésiter au grand dam de Mazarin, juge et partie de cette mésalliance.
    Depuis, le cœur de ce jeune homme de vingt ans se conjugue avec les récits amoureux des romans de chevalerie dont Marie lui a donné le goût en lui faisant la lecture à haute voix. Quand il se lasse des mots, il invite son amante à partager le même philtre d’amour. Ce matin, ils l’ont fait, bu à la même coupe et connu l’ivresse des sens. Puis Marie s’est retirée afin que repose Sa Majesté.
    Que Mazarin se rassure : lorsqu’il se trouve seul, son filleul conçoit d’autres projets qu’une union épique

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