Un long chemin vers la liberte
devrait aller voir Ray Harmel, la femme de Michael Harmel, pour essayer une robe de mariée. Ray n ’ était pas seulement une militante, c ’ était aussi une excellente couturière. J ’ ai demandé à Winnie combien elle voulait de demoiselles d ’ honneur et je lui ai proposé d ’ aller à Bizana informer ses parents que nous allions nous marier. Winnie a toujours dit en riant que je ne l ’ avais jamais demandée en mariage, mais je lui ai toujours assuré que je l ’ avais demandée lors de notre tout premier rendez-vous et qu ’ à partir de ce jour-là j ’ ai considéré la chose comme entendue.
Le procès de trahison en était dans sa seconde année et il pesait de façon écrasante sur l ’ exercice de mon métier d ’ avocat. Le cabinet Mandela et Tambo allait à vau-l ’ eau car nous ne pouvions pas être là et nous avions de sérieux problèmes financiers. Depuis l ’ abandon des accusations contre lui, Oliver avait pu rattraper un certain nombre de choses ; mais le mal était fait. Notre cabinet, qui avait refusé des clients, suppliait maintenant pour en avoir. Je n ’ ai même pas pu payer les 50 livres que je devais toujours sur le terrain d ’ Umtata et j ’ ai dû y renoncer.
J ’ ai expliqué tout cela à Winnie. Je lui ai dit que nous devrions vraisemblablement vivre sur son petit salaire d ’ assistante sociale. Elle a compris et m ’ a répondu qu ’ elle acceptait de partager mon sort. Je ne lui ai jamais promis d ’ or ou de diamants, et je n ’ ai jamais pu lui en offrir.
Nous nous sommes mariés le 14 juin 1958. J ’ ai demandé une levée de mon ordre d ’ interdiction et on m ’ a donné une autorisation d ’ absence de Johannesburg de six semaines. J ’ ai payé la lobola, la dot traditionnelle, au père de Winnie.
Les invités au mariage ont quitté Johannesburg, très tôt le matin du 12 juin, pour se rendre à Bizana, que nous avons atteint en fin d ’ après-midi. J ’ ai d ’ abord signalé mon arrivée au commissariat de police. A la tombée de la nuit, nous sommes allés chez la fiancée, à Mbongweni, comme le voulait la coutume. Un chœur de femmes qui poussaient des youyous de joie nous ont accueillis, et Winnie et moi avons été séparés ; Winnie est entrée dans la maison de la fiancée, tandis que je rejoignais les jeunes gens chez l ’ un de ses cousins.
La cérémonie elle-même s ’ est déroulée dans l ’ église locale et ensuite nous avons fait la fête chez le frère aîné de Winnie, qui habitait dans la maison ancestrale du clan Madikizela. On avait décoré la voiture des mariés aux couleurs de l ’ ANC. On a dansé et chanté, et la grand-mère de Winnie, qui débordait de santé, nous a fait une danse spéciale. Nous avions invité toute la direction de l ’ ANC, mais des interdictions limitaient les présences. Parmi ceux qui sont venus, il y avait Duma Nokwe, Lilian Ngoyi, le Dr. James Njongwe, le Dr. Wilson Conco et Victor Tyamzashe.
La dernière réception eut lieu à la mairie de Bizana. Je me souviens surtout du discours du père de Winnie. Il remarqua, comme tout le monde, que parmi les convives que l ’ on n ’ avait pas invités, il y avait beaucoup de membres de la police de sécurité. Il parla de son amour pour sa fille, de mon engagement pour le pays, et de ma dangereuse carrière d ’ homme politique. Quand Winnie lui avait parlé de ce mariage pour la première fois, il s ’ était écrié : « Mais tu épouses un gibier de potence ! » Lors de la cérémonie, il dit qu ’ il n ’ était pas optimiste sur l ’ avenir, et qu ’ une telle union, dans des temps aussi difficiles, connaîtrait continuellement des épreuves. Il dit à Winnie qu ’ elle épousait un homme qui avait déjà épousé la lutte. Il souhaita bonne chance à sa fille et il conclut en disant : « Si ton mari est un magicien, il faudra que tu deviennes une sorcière ! » Une façon de dire qu ’ une femme doit toujours suivre le chemin que choisit son mari. Ensuite, Constance Mbekeni, ma sœur, parla en mon nom.
Après la cérémonie, on a enveloppé un morceau du gâteau de mariage afin que la jeune mariée le rapporte dans la maison ancestrale du jeune marié, pour la seconde partie du mariage. Mais cette seconde partie n ’ a jamais eu lieu, parce que mon autorisation s ’ achevait et que nous devions rentrer à Johannesburg. Chez moi, au numéro 8115 d ’ Orlando West, beaucoup d ’ amis et de
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