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Un long chemin vers la liberte

Un long chemin vers la liberte

Titel: Un long chemin vers la liberte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nelson Mandela
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que nos défaites. Cette fois, on allait jusqu ’ à nous complimenter. Cela déplut beaucoup à Moses Kotane. « Etre félicité par la SABC, c ’ est vraiment trop   », disait-il en secouant la tête. Il se demandait si nous n ’ avions pas agi trop rapidement et si nous n ’ avions pas joué le jeu du gouvernement. C ’ était un souci légitime, mais il ne fallait jamais prendre de décision sous le coup de l ’ orgueil ou de l ’ embarras, seulement dans un but purement stratégique  – et ici la stratégie exigeait qu ’ on arrête la grève. Le fait que l ’ ennemi eût exploité notre reddition ne voulait pas dire que nous avions eu tort.
    Mais certaines zones n ’ avaient pas été informées de la suspension de la grève et d ’ autres n ’ en ont pas tenu compte. A Port Elizabeth, une forteresse de l ’ ANC, la grève a été plus suivie les deuxième et troisième jours que le premier et dans beaucoup de régions de la province du Cap l ’ appel a été largement observé. Cependant, en général, nous n ’ avons pu dissimuler notre échec. Comme si cela ne suffisait pas, les nationalistes ont amélioré leurs résultats de 10   %.
    Nous avons eu des discussions très vives pour savoir si nous aurions dû utiliser des mesures coercitives, comme des piquets de grève qui empêchent les gens d ’ entrer sur leur lieu de travail   ? Les plus durs affirmaient que si nous l ’ avions fait la grève aurait été un succès. Mais je n ’ ai jamais aimé ce genre de méthodes. Il vaut mieux compter sur un soutien librement consenti sinon les résultats sont fragiles et passagers. L ’ organisation devait apparaître comme un refuge et non comme une prison. Cependant, si la majorité de l ’ organisation ou le peuple soutient une décision, on peut, dans certains cas, user de coercition contre la minorité dissidente dans l ’ intérêt de la majorité. Une minorité, même bruyante, ne devrait pas pouvoir aller contre la volonté de la majorité.
    Chez moi, j ’ ai essayé d ’ utiliser une autre forme de coercition, mais sans succès. Nous avions une femme de ménage de langue sotho du même âge que moi, Ida Mthimkhulu. C ’ était plus un membre de la famille qu ’ une employée et je l ’ appelais Kgaitsedi, un terme d ’ affection qui signifie « sœur   ». Ida faisait régner dans la maison une discipline militaire et, Winnie et moi, nous lui obéissions de bon cœur   ; j ’ allais souvent faire les courses quand elle me l ’ ordonnait.
    La veille de la grève, en raccompagnant Ida et son fils de douze ans, je lui ai dit qu ’ il fallait qu ’ elle me lave et me repasse des chemises le lendemain. Un long silence inhabituel a suivi. Puis Ida s ’ est tournée vers moi et m ’ a dit avec un mépris à peine dissimulé   : « Vous savez très bien que je ne peux pas.
    —  Pourquoi   ? » ai-je répondu, étonné par la violence de sa réaction.
    —  Vous avez oublié que, moi aussi, je suis une travailleuse   ? m ’ a-t-elle dit avec une certaine satisfaction. Demain, je fais grève avec les miens et mes camarades ouvriers   ! »
    Son fils a vu mon embarras et, d ’ une façon enfantine, il a essayé de diminuer la tension en disant qu ’ « Oncle Nelson   » l ’ avait toujours considéré comme une sœur, pas comme une ouvrière. Elle s ’ est tournée mécontente vers son fils et lui a répondu   : « Mon garçon, où étais-tu quand je luttais pour mes droits dans cette maison   ? Si je ne m ’ étais pas battue contre ton « Oncle Nelson   », aujourd ’ hui, il ne me traiterait pas comme une sœur   ! » Ida n ’ est pas venue travailler le lendemain et on ne m ’ a pas repassé de chemise.
    28
    Il y avait peu de questions aussi sensibles que celle du pass pour les femmes. Le gouvernement était resté ferme dans sa volonté de leur imposer un pass et elles étaient restées fermes dans leur volonté de s ’ y opposer. Le gouvernement appelait maintenant le pass le « livre de référence   », mais les femmes ne se laissaient pas tromper   : on pouvait toujours les condamner à une amende de 10 livres ou à un mois de prison si elles n ’ avaient pas leur « livre de référence   ».
    En 1957, poussées par la Ligue des femmes de l ’ ANC, des femmes des zones rurales et des villes de tout le pays ont réagi avec violence à l ’ insistance du gouvernement. Les femmes étaient courageuses, opiniâtres, enthousiastes,

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