Un long chemin vers la liberte
de police. » On a souvent critiqué les policiers noirs pendant la lutte, mais beaucoup ont joué un rôle discret de grande importance.
Dans la clandestinité, je restais aussi négligé que possible. Ma salopette semblait avoir connu toute une vie de dur labeur. La police avait une photo de moi avec la barbe, qu’elle avait largement diffusée, et mes collègues voulaient que je me rase. Mais j’aimais bien ma barbe et j’ai résisté malgré leur insistance.
Non seulement on ne me reconnaissait pas mais parfois on me mettait à la porte. Un jour, j’avais prévu d’assister à une réunion dans un quartier éloigné de Johannesburg et un prêtre connu s’est arrangé avec des amis pour que je sois hébergé pendant la nuit. Je suis arrivé devant la porte et, avant que j’aie eu le temps de dire qui j’étais, la dame âgée qui m’a répondu s’est écriée : « Non, nous n’avons pas besoin de quelqu’un comme vous ici ! » et elle a claqué la porte.
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Le temps que j ’ ai passé dans la clandestinité a surtout été consacré à l ’ organisation de la grève à domicile du 29 mai. Cela s ’ annonçait comme une guerre virtuelle entre le mouvement de libération et le gouvernement. A la fin de mai, celui-ci a lancé dans tout le pays des rafles contre les responsables de l ’ opposition. Les meetings furent interdits, les imprimeries fermées, et l ’ on fit voter très vite par le Parlement une loi permettant à la police de détenir des prisonniers inculpés pendant douze jours sans possibilité de caution.
Verwoerd déclara que ceux qui soutenaient la grève, y compris les journaux sympathisants, « jouaient avec le feu », une affirmation de mauvais augure étant donné la nature impitoyable du gouvernement. Il exhorta les industriels à fournir aux ouvriers de quoi dormir sur place afin qu’ils ne soient pas obligés de rentrer chez eux pendant la grève. Deux jours avant, il organisa la plus importante démonstration de force en temps de paix de toute l’histoire de l’Afrique du Sud : l’armée lança la plus grande mobilisation depuis la guerre. Les congés des policiers furent supprimés. Des unités militaires furent placées aux entrées et aux sorties des townships, des tanks roulèrent dans les rues boueuses et des hélicoptères, qui, la nuit, éclairaient les maisons avec des projecteurs, s’abattaient sur tout rassemblement.
La presse de langue anglaise avait abondamment parlé de la campagne jusqu’aux jours ayant précédé la grève. Mais la veille, elle craqua et demanda aux gens d’aller travailler. Le PAC joua un rôle de saboteur et distribua des milliers de tracts qui demandaient aux gens de s’opposer à la grève et traitaient les responsables de l’ANC de lâches. L’attitude du PAC nous scandalisait. Critiquer est une chose et cela nous pouvions l’accepter, mais essayer de briser une grève en demandant aux gens d’aller travailler sert directement les intérêts de l’ennemi.
La veille du premier jour de la grève, je devais rencontrer la direction de l ’ ANC dans une planque à Soweto. Pour éviter les barrages routiers, je suis entré dans le township par Kliptown où, d ’ habitude, il n ’ y avait pas de patrouilles. Mais à un virage, je suis tombé droit dans ce que j ’ essayais d ’ éviter : un barrage routier. Un policier blanc m a fait signe d ’ arrêter. Je portais ma salopette habituelle et ma casquette de chauffeur. Il m ’ a regardé par la fenêtre, puis il s ’ est avancé et a inspecté la voiture lui-même. Normalement, c ’ était le travail des policiers africains. Il n ’ a rien trouvé et m ’ a demandé mon pass. Je lui ai dit que je l ’ avais oublié chez moi et, négligemment, je lui ai donné un faux numéro. Il a eu l ’ air satisfait et m ’ a fait signe de passer.
Le lundi 29 mai, le premier jour de la grève, des centaines de milliers de personnes ont risqué de perdre leur travail et leur moyen de subsistance en n’allant pas travailler. A Durban, les travailleurs indiens ont quitté les usines tandis qu’au Cap des milliers de métis sont restés chez eux. A Johannesburg, plus de la moitié des employés en ont fait autant et à Port Elizabeth le taux de participation était encore plus élevé. Je dis à la presse que cette réponse était « magnifique », et je fis l’éloge de notre peuple qui avait « défié les mesures d’intimidation sans précédent
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