Un long chemin vers la liberte
sa demande était légitime, mais qu’avant de lui répondre il faudrait que j’en parle avec mes hommes. A cette époque, une réunion de tous les prisonniers dans une seule cellule était une chose formellement interdite. En lui demandant d’autoriser ce genre de réunion, je demandais une extension significative des règlements. Il le savait aussi bien que moi, et il voulut du temps pour y réfléchir.
Quelques jours plus tard, Willemse me fit savoir qu’il était d’accord. Un après-midi, nous nous sommes tous réunis dans la cour, sans gardes pour nous surveiller. J’ai répété aux hommes ce que Willemse m’avait dit, et j’ai ajouté qu’en acceptant un petit compromis maintenant nous pourrions améliorer nos conditions à long terme. Nous avons décidé que nous donnerions au moins l’impression de travailler, mais que nous ne travaillerions qu’à notre rythme. C’est ce que nous avons fait, et le commandant ne s’est plus jamais plaint.
En 1971-1972, pendant la première partie de l’administration de Willemse, il y eut une arrivée régulière de soldats de MK capturés. Ces hommes avaient participé à des combats et étaient bien informés sur l’état du mouvement en exil. Je n’étais jamais très content de voir des membres de l’ANC en prison, mais j’étais impatient de les interroger. Je voulais absolument avoir des nouvelles d’Oliver, des camps d’entraînement, des succès et des échecs de MK.
Ces hommes étaient très militants et supportaient mal la prison. Un des premiers fut Jimmy April, un officier de MK, qui avait suivi un entraînement sous les ordres de Joe Slovo et combattu l’ennemi en Rhodésie. MK avait lentement fait rentrer des hommes dans le pays avec de faux papiers. Jimmy était l’un d’eux et on l’avait arrêté à l’intérieur de l’Afrique du Sud.
Il nous raconta des histoires de guerre, mais je le pris à part pour qu’il m’informe des problèmes de MK. Comme j’en étais le fondateur, Jimmy et ses camarades se montrèrent plus francs avec moi qu’avec les autres. Il me parla du mécontentement dans les camps et des insultes de certains officiers de MK. Je lui demandai de garder cela pour lui et m’arrangeai pour faire sortir une lettre pour Oliver en lui recommandant de procéder à un certain nombre de réformes dans les camps.
Un jour, alors que j’allais rencontrer le colonel Willemse au bureau du commandant, j’ai vu Jimmy devant le bureau d’un autre officier. Il s’est tourné vers moi et m’a dit, inquiet : « Ils refusent de me donner ma lettre.
— Pour quelle raison ? ai-je demandé.
— Ils prétendent qu’elle contient des choses que je n’ai pas le droit de lire », dit-il. Je suis entré dans le bureau pour voir ce qui se passait, mais avant que j’aie pu ouvrir la bouche, Jimmy s’était précipité à l’intérieur en criant : « Donnez-la-moi ! » Il m’a écarté pour atteindre le bureau et s’emparer de la lettre. Mais l’officier s’est réfugié derrière moi comme s’il voulait que je le protège de Jimmy. La scène aurait pu être comique dans un film mais, dans cette situation, elle était insupportable. Je me suis tourné vers Jimmy et je lui ai dit calmement mais fermement : « Arrête, s’il te plaît. Calme-toi. Je vais régler cette affaire et tu auras ta lettre. Maintenant, s’il te plaît, sors. »
Mon petit discours a produit l’effet attendu et Jimmy a quitté le bureau. Alors je me suis adressé à l’officier, qui semblait très agité. Pour moi, il y avait quelque chose d’étrange dans cette situation. Je ne m’opposais pas aux autorités, mais je servais de médiateur entre les miens et les hommes que j’avais si longtemps combattus. L’ardeur militante de ceux qui arrivaient sur l’île me mettait de plus en plus souvent dans cette position. Leur extrémisme nous encourageait mais parfois il nous compliquait la vie.
Une semaine plus tard, l’officier me remit la lettre de Jimmy.
75
Un matin, au lieu d ’ aller à la carrière, on nous a fait monter à l ’ arrière d ’ un camion. Il est parti dans une nouvelle direction et, quinze minutes plus tard, on nous a donné l ’ ordre de sauter à terre. Devant, étincelant dans la lumière du matin, nous avons vu l ’ océan, le rivage rocheux et, au loin, brillant dans le soleil, les tours de verre du Cap. Ce n ’ était sans doute qu ’ une illusion, mais la ville et la montagne
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