Un long chemin vers la liberte
’ a mangée, et a dit : Smaaklik, « Très bon » en afrikaans.
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Dans la lutte, on appelait Robben Island « l ’ Université ». Pas seulement à cause de ce que nous apprenions dans les livres, ni parce que certains prisonniers y étudiaient l ’ anglais, l ’ afrikaans, l ’ art, la géographie et les mathématiques, ni parce que beaucoup des nôtres comme Billy Nair, Ahmed Kathrada, Mike Dingake et Eddie Daniels y passèrent de nombreux examens ; on appelait Robben Island l ’ Université à cause de ce que nous nous apprenions mutuellement. Nous étions devenus notre propre faculté, avec nos professeurs, nos programmes et nos cours. Nous faisions une distinction entre les études universitaires, qui étaient officielles, et les études politiques, qui ne l ’ étaient pas.
Notre université se développa en partie par nécessité. Quand les jeunes arrivaient sur l’île, nous nous rendions compte qu’ils savaient très peu de chose sur l’histoire de l’ANC. Walter, peut-être le plus grand historien vivant de l’organisation, commença à leur raconter sa formation et ses débuts. Il donnait un enseignement prudent et bienveillant. Petit à petit, cette histoire informelle s’est transformée en véritable cours, mis au point par le Haut Commandement, et on l’a appelé le Programme A ; cela se composait de deux ans de conférences sur l’ANC et sur la lutte de libération. Le Programme A comprenait aussi un cours assuré par Kathy, « Une histoire de la lutte indienne ». Un autre camarade y ajouta une histoire des métis. Mac, qui avait fait des études en République démocratique allemande, fit un cours sur le marxisme.
Les conditions d’enseignement n’étaient pas idéales. Les groupes d’étude travaillaient ensemble à la carrière et se tenaient en cercle autour du responsable du séminaire. La pédagogie était de nature socratique ; les idées et les théories étaient analysées par questions et réponses.
Le cours de Walter était au centre de toute l’éducation de l’île. Beaucoup de jeunes membres de l’ANC qui arrivaient ne savaient absolument pas que l’organisation existait déjà ne serait-ce que dans les années 30 ou 40. Walter les guidait depuis la fondation en 1912 jusqu’à la période actuelle. Pour beaucoup de ces jeunes gens, c’était la seule éducation qu’ils eussent jamais reçue.
Quand ces cours furent connus dans la section générale, nos hommes qui se trouvaient de l’autre côté nous ont posé des questions. Cela s’est transformé en une sorte de cours par correspondance avec les prisonniers de la section générale. Les professeurs leur faisaient parvenir des cours en fraude et ils répondaient par des questions et des commentaires.
Cela nous était autant profitable qu’à eux. Ces hommes avaient très peu d’éducation formelle mais une grande connaissance des difficultés du monde. Leurs préoccupations étaient plus pratiques que philosophiques. Si une conférence affirmait qu’un des principes du socialisme c’était « De chacun selon ses possibilités, à chacun selon ses besoins », nous recevions en retour la question suivante : « Oui, mais qu’est-ce que ça veut dire en pratique ? Si j’ai de la terre et pas d’argent, et si mon ami a de l’argent et pas de terre, lequel a le plus grand besoin ? » Ce genre de questions avait une grande valeur et nous obligeait à analyser nos propres conceptions.
Pendant de nombreuses années, j’ai enseigné l’économie politique. J’essayais de retracer l’évolution de l’homme depuis l’origine jusqu’à aujourd’hui, en esquissant le chemin qui mène des anciennes sociétés au féodalisme, au capitalisme et au socialisme. Je ne suis pas du tout un savant et encore moins un professeur et, en général, j’aimais mieux répondre à des questions que faire un cours. Mon approche n’était pas idéologique mais j’avais une préférence pour le socialisme, que je considérais comme le stade le plus avancé de la vie économique développé alors par l’homme.
En plus de mes études officieuses, je poursuivais mon travail d’avocat. Parfois, je pensais même à mettre une plaque sur la porte de ma cellule parce que je passais de nombreuses heures chaque semaine à préparer le procès en appel d’autres prisonniers bien que cela fût interdit par le règlement. Des prisonniers de toute tendance politique venaient
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